Le Grand Cacaphone, Divan le terrible, Sodome et Grammaire… On voit le genre : bouffon, fou de calembours, potache.
Dans la littérature française, ce genre n’est ni courant, ni recommandé. On préfère des façons plus pensives, stylisées, noblement poétiques.
Il y a Rabelais, bien sûr. Quelques dissidents baroques au temps du classicisme. Le Rimbaud zutique. Jarry façon Ubu. Des surréalistes marrants (Péret, Desnos, Queneau)…
C’est à cette école (avec ses enseignements rebelles et ses chahuts verbaux) qu’appartient l’œuvre de Jean-Pierre Verheggen.
Elle a d’abord fait taire en elle le ronron poétique (lyrisme subjectif, métaphysiques livides, vers libre standard) : c’était en 1968, dans la mince mais radicale plaquette la Grande Mitraque.
Puis : bout de chemin avec l’avant-gardisme furibard des années 70. Voici Verheggen pilier de la revue TXT, jusqu’à sa disparition en 1993. Mais il joue peu de la trompette théorique : il invente une langue poétique inouïe. Ça donne Buck Danny/Bouc damné, Tableau rouge, le Degré Zorro de l’écriture.
La manière est dite «carnavalesque». Ses slogans : «langagement» (en littérature, un projet politique s’incarne dans l’invention irrégulière d’une langue) ; «violangue» (c’est la violence faite à la langue qui libère cette inventivité) ; «insonscient» (c’est du fond de l’inconscient que remontent ces accents sonores et ces portées rythmiques qui tentent de former une langue poétique nouvelle