Au premier paragraphe, le programme est donné : «A vingt-trois ans, Michael Davenport avait déjà appris à se fier à son scepticisme. Il n’éprouvait guère d’intérêt pour les mythes et légendes, y compris ceux qui prenaient la forme de lieux communs. Ce qu’il recherchait en toutes circonstances, c’était ce qui se cachait derrière.» Mais le trouvera-t-il ? Evidemment pas : on est dans un livre du romancier américain Richard Yates, l’avant-dernier, le seul qui n’était pas encore traduit : Jeunes Cœurs éprouvés (en anglais : Young Hearts Crying, la traduction préfère les larmes rentrées). D’inspiration autobiographique, c’est comme toujours un roman réussi d’apprentissage raté. Il se déroule à Harvard, à New York, dans le comté de Putnam, dans le Kansas, d’une après-guerre (les années 1950) à une nouvelle guerre (celle du Vietnam). Il y est question d’amitié, d’amour, d’alcool, d’éducation, de mondanités, de création littéraire ou artistique, d’ateliers d’écriture, d’une mise en scène de théâtre, de la vie de bohème dans Soho et d’errance contre-culturelle à San Francisco. Il y est surtout question de frustration, de complexe, de manque.
Sentir que quelque chose se cache derrière et ne pas le trouver, c’est une définition possible de l’échec ; mais un échec discret, sans éclat, accablant et pas si grave, créant des situations étouffées, entre ridicule et tragique ; un échec entre deux guerres, en somme, qui ne mérite ni enfer ni rédemption. En revanche, écrire