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Libération
Interview

Joann Sfar et Lee Yaron : «On peut être ­pro-israélien et pro-palestinien en même temps»

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Rencontre entre la journaliste israélienne Lee Yaron, qui publie une somme de témoignages de survivants du 7 Octobre, et le dessinateur Joann Sfar, qui réunit dans un roman graphique les pages qu’il crayonne depuis l’attaque terroriste.
Le dessinateur Joann Sfar et la journaliste Lee Yaron, le 25 avril 2024, à Paris. (Cyril ZANNETTACCI/Cyril Zannettacci / VU')
publié le 14 mai 2024 à 20h53

Lee Yaron et Joann Sfar ne se connaissaient pas. Ils ne sont pas de la même génération (elle n’a pas encore 30 ans, lui vogue dans la cinquantaine) ni du même pays, n’ont pas la même histoire, le même vécu, le même tempérament, lui l’éruptif, elle toute en émotion rentrée. Mais tous deux sont juifs et, au-delà d’une date d’anniversaire partagée qui leur arrache un éclat de rire comme signe de bon augure, ils publient simultanément deux livres événements sur le 7 Octobre et ses conséquences. Celui de Lee Yaron, plume de Haaretz, le grand quotidien de la gauche israélienne, est le premier récit d’ampleur sur ce jour fatidique, à travers 100 destins fauchés par les terroristes. Nous vivrons. Enquête sur l’avenir des Juifs, le roman graphique de Joann Sfar, rassemble les pages fiévreuses qu’il crayonne compulsivement depuis le massacre, dans un opus épais comme un livre religieux. Entre la jeune journaliste et le dessinateur prolifique, dans une ambiance à mille lieues du chaos de la guerre – un hôtel du Quartier latin, airs d’opéra en fond sonore – le dialogue se noue instantanément – intense, passionné, débordant – dans un anglais diasporique, mâtiné d’hébreu et de français. Au détour d’une phrase, l’une de leurs voix s’enroue et l’autre prend immédiatement le relais, chacun refusant de céder à l’émotion ou à la colère, au risque de s’y perdre.

Lee Yaron, quand avez-vous commencé à écrire ?

L.Y. : Très vite, début novembre. C’était une façon de faire