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Lundi poésie

Johan Grzelczyk, la somme des «comme»

Poésiedossier
Le nouveau recueil du poète prend la forme d’une suite de comparaisons glanées dans un très large corpus francophone.
L’auteur a collecté plusieurs milliers de comparaisons en «comme», qu’il a ensuite assemblées pour façonner son livre. (Eric Le Brun/Lightmotiv. Effets Libération)
publié le 17 juin 2024 à 14h30

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Il ne s’agit pas d’une énumération ni d’une compilation ou d’une recension sans queue ni tête et encore moins d’un listing. Non, le dernier recueil de Johan Grzelczyk, C’est tout comme, publié ce printemps aux éditions Ni fait ni à faire, dépasse la simple addition d’analogies glanées dans un très large corpus poétique francophone pour s’imposer comme une somme méta-analogique. Entendez par là : une analogie même de l’analogie, sorte de «bibliothèque de Babel» de la comparaison poétique, qui à défaut de les contenir toute, retient celles qui valent pour les autres.

Pour composer ce long méta-poème de près de 3500 vers libres, l’écrivain, auteur de plusieurs ouvrages sur l’art et la littérature, entre autres recueil de poésie a collecté plusieurs milliers de comparaisons en «comme», qu’il a ensuite assemblées selon un ordre alphabétique enchevêtré et une cohérence relationnelle. Cela donne, par exemple : «comme si les murs disaient nous tenons / comme si les murs s’étaient rapprochés et qu’ils continuaient de se rapprocher et qu’ils allaient se toucher et absorber tout le vide et tout ce qui était arrivé et qui deviendrait le passé et serait oublié, effacé, tué / comme si le sol se creusait / comme s’il était réel / comme s’il était son propre reflet /comme s’il était toujours là / comme si le temps n’avait été qu’un décor.»

Les plus fins experts pourront peut-être y reconnaître un vers de Léopold Sédar Senghor, Isidore Ducasse, Jean Tardieu, Perrine Le Querrec, Liliane Giraudon ou Maude Veilleux. Mais là n’est pas la raison d’être de C’est tout comme. L’ouvrage, qui emprunte des analogies à des centaines de poètes et poétesses, morts ou contemporains, symboliques ou surréalistes, affirme en quelque sorte leur universalité, n’appartenant finalement à personne si ce n’est à la poésie elle-même.

Johan Grzelczyk, C’est tout comme, éd. Ni fait ni à faire, 350 pp., 15 euros.

L’extrait

comme des flammèches

comme des fleurs de sang

comme des fleurs du miroir

comme des fleurs flétries

comme des fleurs que Dieu fait pleuvoir

sur sa coupe

comme des fleurs trop énormes

comme des folles

comme des formes de vie

comme des foulards un à un noués

comme des fourmis

comme des fruits allongés ou du candi

comme des fruits mûrs

comme des fruits trop mûrs

comme des fusées

comme des gants en caoutchouc