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John Dewey, conduite adroite

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Dans «Nature humaine et conduite», paru en 1922 et traduit pour la première fois en français, le philosophe américain analyse comment nos comportements sont déterminés par des interactions constantes entre notre conscience et notre environnement.
John Dewey en 1935. (JHU Sheridan Libraries/Gado/Getty Images)
publié le 6 décembre 2023 à 15h55

Dès que sont évoquées les «valeurs», «nos valeurs», les «valeurs républicaines», l’«attachement aux valeurs», on ne sait plus trop quoi dire. C’est qu’une valeur, si elle est telle, ne peut que valoir absolument, et n’autoriser aucune dérogation. Quand on tient à la liberté, on ne peut qu’y tenir tout le temps et dans toute circonstance – de même pour la justice ou la solidarité. Si l’on agit «au nom de la liberté», c’est bien – mais on ne peut rien objecter à qui agirait, en faisant aussi bien, «au nom de la justice». Absolues, les valeurs ne peuvent que se regarder en chiens de faïence – ou, pire, tirer chacune à elle la couverture du bien et mettre toute la poussière du mal sous le tapis de l’autre. C’est pourquoi il est insensé de dire qu’on agit «selon les valeurs». On agit, juste – et c’est l’action elle-même qui établit à chaque fois une valeur. Ce n’est pas en vue d’agir «selon le courage» que la personne plonge dans le torrent pour sauver l’enfant : c’est en sautant dans l’eau qu’elle crée le courage. Mais qu’est-ce qui la pousse à l’action morale, si la valeur ne lui préexiste pas ? D’où la conduite d’un être humain tire-t-elle en réalité sa source ? On peut trouver une réponse, très articulée – et inséparable de la pensée exprimée dans toute son œuvre – chez John Dewey.

Dewey est «le plus grand philosophe américain du XXe siècle» (Bertrand Russell). Dan