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Libération
Lundi poésie

Jonas Mekas, poèmes du pays de la pluie

Poésiedossier
Un recueil réunit soixante ans de textes du réalisateur lituanien.
Jonas Mekas en 2009 à New York. (Photomontage Libération/Neilson Barnard. Getty Images)
publié le 18 novembre 2024 à 6h30

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On dit que le premier écrivain lituanien était un poète, Kristijonas Donelaitis (1714-1780) qui écrivait pour lutter contre l’acculturation prussienne et célébrer la vie paysanne. La poésie occupe donc une très large place dans la culture de la Lituanie, elle était même utilisée durant l’ère soviétique pour transmettre des messages et ainsi tromper la censure. Jonas Mekas (1922-2019) est en quelque sorte le double contemporain de Donelaitis. Il avait la même passion pour la vie paysanne, le cycle de la nature, mais aussi une aversion pour la soviétisation du pays après l’occupation de la Lituanie par l’armée rouge. Il faut profiter de la saison lituanienne en France (jusqu’en décembre) pour découvrir la très riche culture de ce pays, une culture empreinte de révolte contre les Soviétiques mais aussi les nazis. Et surtout se plonger dans ce très beau recueil de poésies de Jonas Mekas, Debout parmi les choses, Poèmes 1948-2007, publié par les éditions Nous et le CIPM. Poèmes traduits du lituanien par Stéphane Bouquet, Jean-Baptiste Cabaud, Miglé Dulskyté, Roxana Hashemi, Anne Portugal, Ainis Selena, Marielle Vitureau avec la participation de Tadas Bugnevičius.

Jonas Mekas est né dans un village au nord-est de la Lituanie, près de la frontière lettone, dans une famille de fermiers. La précision est importante car sa poésie est baignée des souvenirs de Semeniškiai, activités agricoles, récolte des fruits rouges que l’on vend plus tard sur les marchés, ciel gorgé de cette pluie omniprésente dans la poésie de Mekas, comme si elle devait laver, nettoyer toute la noirceur d’un paysage et d’un pays qui n’a cessé d’être occupé et opprimé. «La pluie est ce qui coule, ce qui tombe, ce qui ruisselle : elle est donc comme un long flux, un long film, le présent lui-même ou sa figuration, écrit Stéphane Bouquet dans la passionnante préface de Debout parmi les choses. Une légende populaire veut que le nom de la Lituanie (Lietuva en lituanien) dérive du mot lietus (la pluie) et signifierait donc le pays de la pluie». Avec son frère, Jonas Mekas s’est enfui et retrouvé en Allemagne, ils y ont été internés dans un camp de travail pendant la guerre avant de vivre dans un camp de personnes déplacées. Après la guerre, il entreprend des études de philosophie à Mayence, en Allemagne, avant de gagner les Etats-Unis et de s’établir à Brooklyn où il écrit un recueil de souvenirs puis se consacre au cinéma.

Toute sa vie, Mekas écrira de la poésie en lituanien, même quand il commencera à travailler en anglais, le lituanien est sa maison, son foyer, son ancrage. Au fil des années ses poèmes changeront de nature et de forme, on le voit bien dans Debout parmi les choses. Les premiers racontent de véritables histoires, les derniers des émotions, des souvenirs, en un mot parfois, épurés jusqu’à l’extrême.

Jonas Mekas, Debout parmi les choses, éditions Nous /Cipm, 448 pages, 30 euros
L’extrait

Et

la

pluie

repleut.


Et

allongé

ainsi

j’écoute,


la

pluie

de

gouttes

éclate


au

sol,


comme

une

pluie

même

jusqu’à

l’âme