«On m’avait dit : Babyn Yar, c’est ici. Mais Babyn Yar c’était un ravin, et ici tout est plat. Quel drôle de non-lieu, même les ravins ont disparu.» En avril 2021, Jonathan Littell et le photographe Antoine d’Agata commencent à travailler ensemble à Babyn Yar. Sur ces quelques arpents d’un «banal quartier» au nord-ouest du centre de Kyiv, les nazis ont fusillé, les 29 et 30 septembre 1941, les Juifs de la ville et, pendant toute l’occupation de l’Ukraine, des dizaines de milliers de Juifs, Tsiganes, malades mentaux et opposants. «Au total, on estime le nombre de victimes à une centaine de mille : soixante mille Juifs et quarante mille autres personnes…»
L’écrivain était déjà venu sur le site en 2002 mener des recherches pour «reconstituer l’ordonnance du massacre» destinée à son roman les Bienveillantes (Goncourt 2006), confession fictive d’un officier nazi. Cette fois-ci, c’est moins la reconstitution du drame qui l’intéresse, que faire parler le lieu au présent, ce qu’en dit sa topographie (parcs, forêt, monuments, églises, synagogue, asile psychiatrique, cimetières, immeubles, etc. ). Il le fait en le sillonnant, carnet de notes en main, tandis qu’