Si la plus célèbre route brésilienne n’était pas synonyme de catastrophe écologique, cette scène au cœur de Ce qui m’appartient se présenterait uniquement comme un rêve hypnotisant. Un homme, le père de l’auteur, ancien chauffeur routier, raconte au fils qui l’enregistre l’un de ses parcours. «Il y avait un tronçon de la Transamazonienne qui était une grande ligne droite de presque cinq cents kilomètres de long, dans la jungle très dense, un tunnel de forêt sans aucune station-service, sans villages, sans rien sur le chemin. Ma plus grande peur était de m’endormir, de renverser le camion, je mettais donc la radio à fond et je chantais à tue-tête pour ne pas m’assoupir, pour ne pas déraper, pour ne pas heurter un arbre.»
Un regard de transfuge de classe
José, le père, est usé par les quarante années passées au volant de son camion. Il a sillonné de long en large le Brésil, ses virées duraient presque deux mois et à chaque fois il revenait vers sa femme et ses deux fils avec ses espoirs éteints d’une vie économique meilleure. Ce qu’il gagnait ne pesait pas lourd et dans cette famille de Blancs pauvres, chaque facture faisait trembler. L’ascension sociale se fera à la génération suivante, avec le fils, élève brillant, devenu prof de sociologie.
C’est donc avec un regard de transfuge de classe que José Henrique Bortoluci