Dans l’Ukrainienne, livre paru en VO en 1983 et en France en janvier 2022, l’Autrichien Josef Winkler racontait le destin tragique de Nietotchka Vassilievna Iliachenko, paysanne victime des dictatures stalinienne puis hitlérienne. Cette femme établie dans une ferme de Carinthie, région du sud de l’Autriche, connue pour être le fief du défunt leader d’extrême droite Jörg Haider, avait logé pendant un an le jeune écrivain en rupture avec sa famille. Par une fenêtre de sa chambre, il pouvait voir au loin sa vallée natale. Et c’est son village, en forme de croix, reconstruit ainsi au XIXe siècle pour expier une faute collective – il avait été complètement brûlé par des adolescents incendiaires – que l’on retrouve dans le dernier roman de Winkler.
Avec le Champ, l’écrivain né en 1953 retourne à ses obsessions familiales, il poursuit les deux ouvrages consacrés à ses parents après leur mort – Requiem pour un père et Mère et le crayon – si bien que des motifs se retrouvent dans ce nouveau roman mais comme portés par un souffle plus libre, plus ironique. C’est qu’entre-temps un nouvel élément a permis la réouverture du dossier comme on dit dans le domaine judiciaire. Tardivement Winkler a appris quelque chose qui l’a stupéfié, et a coloré d’amertume et de colère le passé paysan familial.