Les rues du Sentier sont plus calmes aujourd’hui que dans les années 70. Moins de camions de livraison, de commerçants qui déversent leurs cartons de tissus, de livreurs poussant leurs diables sur des trottoirs minuscules et de prostituées à chaque porte cochère. La plupart a migré vers Aubervilliers et ses entrepôts sans âme. Mais la première fois que Joseph Bialot nous avait embarqués du côté de la rue d’Aboukir et de la rue du Caire, c’était au début des années 80. Il s’arrêtait souvent devant un immeuble du quartier, montrait du doigt une fenêtre au deuxième étage d’où s’échappait le bruit des métiers à tisser et se mettait à raconter des anecdotes de jeunesse, quand il travaillait dans le prêt-à-porter avec sa famille. Le Sentier était un monde à part, bouillonnant, plein de souvenirs et Joseph le connaissait comme sa poche de costume bien taillé. Il venait de publier son premier roman policier, le Salon du prêt-à-saigner – réédité en novembre par Gallimard à l’occasion du centenaire de la naissance de l’auteur –, situé dans ce quartier, et d’obtenir le grand Prix de littérature policière. Il était le roi de la petite histoire qui se glissait dans la grande, tricotant un peu de fiction pour assouplir une réalité trop abrupte. Bref, Joseph Bialot riait beaucoup, adorait les blagues, les jeux de mots pas forcément réussis mais irrésistibles dans sa bouche de bavard invétéré, dissimulant ses angoisses comme il le pouvait.
Disparition
On déjeunait aussi chez Goldenberg, ru