Aux lignes droites, Joy Harjo a toujours préféré les courbes. Enfant déjà, quand on lui posait une question simple, «peut-être au sujet d’un sapin dans un souvenir», écrit-elle dans Poet Warrior, le deuxième volet de ses mémoires, elle voyait certes un sapin, mais aussi toute une rangée de sapins. «Puis l’histoire des sapins, /Ou le point de vue d’un sapin, /Ou le rêve d’un sapin loin de la terre et du ciel /A cette simple question.» Il n’y avait pas de «réponse facile par oui ou non», pas plus qu’il n’y avait un seul chemin praticable. Dans Crazy Brave, traduit en 2020 chez Globe, le premier volume d’une entreprise de récit de soi à résonance collective poursuivie ici, elle empruntait quatre directions dans quatre parties : à l’Est, au Nord, à l’Ouest et au Sud. On y lisait : «Je viens d’un peuple courageux et il nous fallait des guerriers. Mais mon père et moi avons perdu nos repères. Je suis née fragile, femme et indienne sur des terres qui nous ont été volées.»
Joy Harjo est née en 1951 à Tulsa, dans l’Oklahoma, d’une mère d’ascendance cherokee et française et d’un père muscogee (creek). Le bandeau de Poet Warrior la présente en français comme «la grande voix féministe amérindienne». «Amérindiens» est un terme qu’elle évite pour sa part, lui préférant, indique-t-elle en notes de Poet Warrior, «“Nations indigènes”, “Indiens”, ou simplement “Natifs”». Autrice d’une dizaine de recueils de poésie (dont l