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«Juger Franco», une mémoire hantée par le franquisme en Espagne

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Le cahier Livres de Libédossier
L’historienne Sophie Baby détaille les raisons pour lesquelles les tortionnaires de l’époque franquistes bénéficient toujours de l’impunité.
Exhumation de morts républicains des fosses communes du cimetière du monastère d'Uclés, en Espagne, en 2005. (Carlos Munoz Yague /Divergence)
publié le 20 mars 2024 à 22h24

Pour parodier Karl Marx, un spectre hante l’Espagne : le spectre de Franco. En effet, bien que les milliers de victimes du franquisme réclament, hier comme aujourd’hui, justice, le procès du dictateur ne s’est pas tenu et n’est pas près de l’être. Tel est le constat lucide mais désabusé que Sophie Baby se propose d’élucider dans une recherche stimulante et fouillée.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la situation du Caudillo était pourtant chancelante : les Alliés n’avaient pas la mémoire courte, et ils n’oubliaient pas que l’Espagne avait soutenu les puissances de l’Axe durant le conflit, ce qu’ils lui firent chèrement payer. Il fallut ainsi attendre 1955 pour que Madrid entre à l’ONU, tandis que l’Assemblée des Nations unies et la Croix-Rouge ordonnaient des commissions d’enquête pour éclairer le sort des victimes passées et présentes de ce régime de fer. En vain. Le contexte de la guerre froide n’incitait guère à marginaliser une puissance qui s’était dressée, en 1936 comme en 1941, contre le péril rouge. Les vaincus de la guerre civile n’entendaient cependant pas abdiquer. Pendant les années 50 et 60, ils demandèrent, via les partis socialiste et communiste, l’amnistie des prisonniers politiques qui croupissaient dans les geôles franquistes ; ils se battirent aussi pour que les déportés espagnols qui avaient été envoyés dans les camps de concentration nazis soient indemnisés – ce qui n’advint qu’en 1969, grâce à l’obstination de juristes courageux.

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