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Libération
Mercredi pages jeunes

«Juliette qui pète» : senteur et harcèlement

Petite fille aux sphincters défectueux, Juliette est moquée et exclue par ses camarades. Une histoire d’apparence drôle, qui permet d’aborder des sujets autrement plus sérieux.
Jamais le mot «harcèlement» n’est mentionné dans cet album aux dessins dynamiques et colorés, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. (Editions Crackboom!)
publié le 31 janvier 2024 à 17h42

Sous ses abords pipi-caca, Juliette qui pète est un livre d’utilité publique. Si, si. Commençons par lesdits abords. Le titre parle de lui-même, et la suite est à l’avenant : Juliette… pète. Dès sa naissance, elle a pété si fort qu’elle s’est envolée comme une fusée. Et puis quand Juliette se soulage, eh bien ça pue. Au point de provoquer les évanouissements de quiconque n’est pas ses parents, olfactivement accoutumés à la chose. On pourrait même l’appeler Juliette qui pue qui pète, qui prend son cul pour une trompette, mais là n’est pas la question.

Ainsi donc, Juliette loufe, y compris à l’école, provoquant l’hilarité de ses camarades. Et le rejet. Hors de question de jouer avec la dégazeuse de service ! A fortiori à la piscine, où la petite fille se transforme en hydropropulseur. A force de moqueries et de mises à l’écart, la fillette se sent bien triste. Jusqu’à cette rencontre avec Lila, une élève dépourvue d’odorat. Et voilà les deux gamines embarquées dans une belle amitié, où le handicap de Juliette s’avère être un atout pas possible pour profiter d’une plage ou d’un parc d’attractions déserts. Et même une arme redoutable dans une situation de grand danger.

Jamais le mot «harcèlement» n’est mentionné dans cet album aux dessins dynamiques et colorés, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Parce qu’elle a une différence, Juliette est raillée («Juliette la moufette qui pète !») exclue, volontairement tenue éloignée de ce groupe d’enfants qui fait corps. La situation initiale prêtant à sourire, le jeune lecteur se plongera aisément dans l’histoire. Avant de vite se rendre compte que quelque chose cloche. «C’est pas gentil de se moquer», a réagi notre enfant testeur de Pages jeunes, interrompant bien vite ses premiers ricanements. Une belle occasion d’engager un échange sur la différence, la solidarité, le rejet, bref le harcèlement, à un âge où l’on estime à tort que c’est un problème réservé aux plus grands.

Juliette qui pète, d’Alicia Acosta et Alicia Más, éditions Crackboom !, 32 pp., 11,90 €. A partir de 3 ans.