Si le dernier tome de la biographie de Rainer Stach s’achève sur la jeunesse de l’écrivain, J’irai chercher Kafka commence par ses dernières années d’existence quand la maladie gagne du terrain. Au sanatorium de Kierling en Autriche, où il meurt vers midi le 3 juin 1924 à 40 ans, Kafka corrigeait la veille les épreuves de «Josefine la chanteuse», l’histoire d’une souris cantatrice dont la voix faiblit. Il l’avait écrite entre mars et avril, «juste après le diagnostic de la lésion du larynx». Léa Veinstein prend l’écrivain encore en vie, l’incarne privé de voix sous nos yeux, qui communique par feuilles volantes avec une «écriture au bord de la disparition». Elle le rend sensible et présent, comme il l’est pour elle depuis longtemps.
C’est une forme de hantise qui l’habite, celles de l’enfance ont la vie dure. Petite fille, elle était fascinée par une carte postale noir et blanc posée en équilibre sur le bureau de son père. Celle-ci volait au moindre coup de vent. Dessus, elle voyait un homme souriant avec un chapeau. Cette même image se retrouve sur la couverture de son livre près de trente ans après, et bien sûr, elle nous est familière. Elle a gagné le même type d’aura que celle de Rimbaud. Mais la petite fille ne savait pas alors qui était l’homme sur l’image et ce qui était écrit derrière. A 9 ans, l’imagination est sans bornes et Léa Veinstein faisait un cauchemar récurrent, un homme en noir et blanc lui souriait et se mettait à rire. Le jour où elle