Menu
Libération
Histoire

Kazimierz Sakowicz, scribe clandestin de la Shoah par balles

Article réservé aux abonnés
Depuis son grenier dans la forêt de Ponary en Lituanie, le journaliste polonais a vu les exécutions de juifs par les nazis, de 1941 et à 1943, qui se déroulaient à deux pas de chez lui. Son récit est aujourd’hui traduit en français.
Photo rare, prise à Ponary en juillet 1941 par Otto Schroff, un soldat de la Wehrmacht. Des centaines de juifs, maintenus en file indienne dans une tranchée, sont emmenés par groupes vers leur exécution. Au milieu, des valises et objets appartenant aux victimes. (Editions Grasset )
publié le 15 décembre 2021 à 21h16

Kazimierz Sakowicz les entend dire qu’ils ont «hâte d’aller travailler», c’est-à-dire d’exécuter des juifs en rafale : «La rangée suivante assiste à l’exécution de la rangée précédente et les tueurs ne se préoccupent même pas de recouvrir les corps entre deux. Non ! Ils obligent les nouveaux “candidats” à prendre place sur les cadavres gisant déjà dans la fosse et ils les fusillent par couches successives. Parfois ils les abattent à coups de crosse, les enfants notamment.» Le registre tenu entre juillet 1941 et novembre 1943 par Sakowicz, journaliste polonais et catholique, est épouvantable à lire. Mais il constitue un document «sans équivalent», remarque la préfacière Alexandra Laignel-Lavastine, sur la Shoah par balles menée en Lituanie dans la «belle forêt» de Ponary, à une dizaine de kilomètres de Wilno (désormais Vilnius).

Conformément au pacte germano-soviétique, cette partie de la Lituanie est envahie par l’Armée rouge en 1939. En juin 1941, le pacte est rompu et les nazis envahissent Vilnius. Ironie tragique : des fosses énormes ont été creusées par l’Armée rouge dans la forêt de Ponary afin de stocker «des citernes de carburant destinées à approvisionner une base aérienne voisine. Ces cavités sont reliées entre elles par des tranchées où devaient être installés des pipelines. Les nazis, eux, y voient un dispositif idéal pour y massacrer des dizaines de milliers de personnes», précise la préface. A l’arrivée des Allemands, des