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Klaus Modick amasse mousse

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Le romancier allemand se plonge dans les derniers mois d’un célèbre botaniste qui, reclus, pensait qu’il fallait laisser la nature venir à soi.
(Tabitha Genoveva Harter/Plainpicture)
publié le 12 février 2021 à 20h46

Mousse réunit des ingrédients propices à un roman fantastique : une mort brutale et étrange, un journal interrompu par celle-ci. Lukas Ohlburg, botaniste réputé, auteur de traités sur les formes de végétation tropicales et subtropicales, a été retrouvé mort d’une crise cardiaque à 74 ans. On savait qu’il travaillait à un ouvrage intitulé De la critique de la terminologie et de la nomenclature botanique. Depuis huit mois, il s’était retiré dans sa maison de campagne d’Ammerland pour se consacrer à sa rédaction. Son frère Frantz, un psychologue, l’a découvert étendu devant son bureau. Curieusement, son visage était couvert de mousses, comme d’ailleurs la pièce et même son oreiller. L’intérieur des lieux suintait l’humidité. Notre scientifique moussu laissait un manuscrit… inachevé, cela va sans dire, et… vert. Jusque-là, on pourrait presque se croire dans du Lovecraft.

C’était avant d’aborder le récit en question. Si l’auteur, originaire d’Oldenburg (Allemagne), joue avec les limites du mystère, celui-ci ne l’intéresse pas au premier chef. Ce n’est pas le résultat qui compte (la mort du botaniste), ni comment (la clé est-elle dans ses écrits ?), mais ce que Lukas Ohlburg a expérimenté pendant ses mois de réclusion. Les premiers temps, son pensum critique l’accapare. Que veut-il démontrer ? Que le système de classement sur laquelle repose la botanique – espèces classées par groupes, plantes baptisées par des noms scientifiques –pèche par trop de rationalité. Il gar