Menu
Libération
Roman

«La Danseuse» de Patrick Modiano, à pas chassés

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Dans le dernier roman du Prix Nobel : une danseuse pour personnage et modèle, à Paris évidemment.
Cours à l'école de danse du Studio Wacker à Paris, en février 1949. (Keystone France/Gamma Rapho)
publié le 6 octobre 2023 à 13h16

Parlez du dernier Modiano, tout le monde s’extasie. Son talent à faire revivre ce qui a disparu, les fantômes, la géographie et l’atmosphère de Paris, ses phrases épurées et ramassées qui touchent, peut-être concède-t-on que c’est un peu toujours la même musique. Comme d’un piano mécanique, dont l’auteur tourne la manivelle à chaque livre, sortirait un refrain familier, mais avec des variations de couplet. La Danseuse ne sort pas du cadre. Le plaisir réside dans les variations, l’ordre des notes, la manière dont les souvenirs et les silhouettes se matérialisent, «ces images réapparaissent comme remontent les noyés à la surface de la Seine». Des limbes mémoriels d’il y a plus de cinquante ans surgissent, épars, un visage, un nom, une saison, une scène à la gare d’Austerlitz, un appartement en clair-obscur porte de Champerret.

L’écrivain semble se parler à lui-même en fouillant dans son passé, tout en nous conviant au butin, dès le début : «Brune ? Non. Plutôt châtain foncé avec des yeux noirs. Elle est la seule dont on pourrait retrouver des photos.» Ainsi accroche-t-il la sensibilité et fait-il grandir une douce curiosité. Le narrateur aide Pierre, le petit garçon de la danseuse (une sorte de double enfant), «à ajouter une pièce de plus aux autres» dans un puzzle qu’il lui a acheté Faubourg Saint-Honoré ; de même Modiano assemble les morceaux repêchés, agence les chapitres et la boîte à magie opère.

La discipline du corps

La danseuse, c’était son surnom, prenait des cours