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Mercredi pages jeunes

«La Dernière fée des sables», mauvais sorts

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Chaque semaine, «Libération» passe en revue l’actualité du livre jeunesse. Aujourd’hui, la réédition d’un roman d’Edith Nesbit sur la découverte d’une créature magique par des enfants.
Edith Nesbit prend des arrangements avec la réalité et permet aux enfants d’être décisionnaires de leur destin. (Getty Images)
publié le 10 avril 2024 à 20h07

L’été, les enfants s’ennuient, errant avec leurs seaux et leurs pelles sur la carrière de sable. Ils «commencèrent par construire un château, mais construire un château est beaucoup moins amusant quand vous savez que la mer ne va pas venir remplir les douves, détruire le pont-levis et vous mouiller jusqu’à la taille» avant de creuser le sol pour «aller jusqu’en Australie». Soudain, au fond du trou, quelque chose bouge, «c’est peut-être un serpent […] ou un rat.»

Les quatre frères et sœurs sentent au bout de leurs doigts la fourrure de la bête déterrée. La voilà, «pelage brun», «des poils sur les bras et les jambes, et quatre mains comme un singe». Ils reculent, «qu’est-ce que c’est que ça ?». Susceptible, grognon, impatiente, parfois un peu sadique, la fée des sables exauce les vœux des enfants, qu’elle moque avec un franc-parler. Elle coupe la parole et exige des questions courtes. Pas le temps d’attendre. Il faut dire qu’elle n’a pas vu d’humains depuis «des milliers d’années», depuis qu’elle a «filé vers les dunes, loin de la mer [pour se creuser] une maison dans le sable bien chaud.» «Je n’ai pas bougé depuis.» Et ça se sent : «Le psamède étira ses yeux au maximum, retient sa respiration et gonfla jusqu’à doubler de volume» pour rendre beaux les enfants mais, «rien n’avait changé dans leur apparence».

Pourtant, plus tard, ils étaient devenus les uns pour les autres «des inconnus aux visages parfaits», tout droit sortis «d’une stupide carte de Noël». Quand ils se présentent chez eux, la gouvernante et la cuisinière ne les reconnaissent pas allant jusqu’à vider «un pot d’eau sur la tête» de Robert «en lui criant de rentrer chez lui». Il faut attendre. Les effets se dissipent au coucher du soleil, encourageant sans doute les enfants à relativiser les événements et à recommencer le lendemain, sans trop de réflexion.

Edith Nesbit, née en 1858, prend des arrangements avec la réalité et permet aux enfants d’être décisionnaires de leur destin – comme ceux quelques années plus tard du Monde de Narnia de C.S. Lewis et d’Harry Potter de J.K. Rowling. Cette plage est un autre monde. Ils le comprennent vite, oubliant la peur des premiers jours, pour exiger au quatrième d’avoir des ailes. Les enfants survolent un verger quand «ils commencèrent à avoir faim.» Piquer un fruit, est-ce vraiment du vol ? «Si on a des ailes, c’est qu’on est des oiseaux, et les oiseaux ne savent même pas ce qu’est que le chapardage. Ils le font tout le temps et personne ne les gronde, ni ne les met en prison.» Ce n’est pas leur cas, retenus par le curé, ils écoutent ses sermons. Chaque souhait tourne mal. La fée des sables semble s’en amuser, parfois pour rire, souvent pour leur enseigner une bonne leçon et leur rappeler de «croire aux événements extraordinaires». Ce n’est pas le cas de leurs parents.

Edith Nesbit, La Dernière fée des sables, traduit de l’anglais par Amélie Sarn et illustré par Kateřina Bažantová. Novel, 288 pp., 15, 90 €. A partir de 9 ans.