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Essai

«La Fabrique des souvenirs» de Vincent Laisney : puits de réminiscence

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Le cahier Livres de Libédossier
Le «chercheur en littérature» sort de l’oubli le souvenir littéraire, genre en vogue des années 1860 à 1960, où des écrivains (ici dénommés «souveniristes») se remémorent la vie des grands auteurs qui les ont marqués.
A Beaubourg, lors de l'exposition «Roland Barthes» en 2002. (Patrick Tourneboeuf/Tendance Floue)
publié le 23 avril 2025 à 17h18

Commençons par le sous-titre du livre (qui était d’ailleurs son titre jusqu’à la veille de sa publication) : la Fabrique des souvenirs. C’est tout de même le gros de l’affaire. Pendant une dizaine d’années, Vincent Laisney, «chercheur en littérature», a en effet entrepris de rassembler et d’analyser quelques centaines d’ouvrages aux contenus imprécis et à la réputation douteuse : les souvenirs littéraires.

Volontiers considérés comme des «sources frauduleuses» émanant de gens de lettres inaptes à dire la vérité sur la littérature (que faire par exemple de cette information de Paul Alexis selon laquelle Emile Zola mangeait tous les matins un œuf sur le plat à son lever ?), ces livres sont pourtant massivement utilisés par les biographes des grands auteurs, ainsi que par les poéticiens et les sociologues. Relisant les Règles de l’art, Vincent Laisney a été étonné de l’utilisation abondante que Pierre Bourdieu faisait d’un tel type d’écrits.

«Je serai le cadre, ils seront le tableau»

Quel type d’écrits, au fait ? C’est le premier problème qui s’est posé au chercheur : «L’unité des livres de souvenirs ne tient qu’à un fil – celui de la reliure.» On voit bien ce que sont des mémoires, on voit moins ce que sont des souvenirs. «Je suis un trop mince personnage […] pour me permettre d’écrire des mémoires», notait Maxime Du Camp en ouverture de ses Souvenirs littéraires