On connaît la journaliste Stéphanie Trouillard, de France 24, pour ses ouvrages à la portée historique – Si je reviens un jour, les lettres retrouvées de Louise Pikovsky, histoire d’une jeune Parisienne déportée à Auschwitz (2020) ou bien Mon oncle de l’ombre (éditions Skol Vreiz, 2018) une enquête illustrée sur son grand-oncle maquisard breton. Ici, point d’histoire, point de guerres, mais une vie, toute simple : celle d’une mère solo de jumeaux qui la questionnent, un jour : pourquoi on n’a pas de papa ?
Stigmatisations
L’histoire, bien sûr, ne se résume pas au recours à un donneur au Danemark. Plus qu’un projet parental, c’est une histoire d’amour et de famille, qu’elle raconte à coups de mots simples et tendres : «Je voulais être une super maman», «je n’imaginais pas ma vie sans vous», alors «j’ai décidé de vous avoir toute seule». La place du donneur dans cette histoire est bien définie, c’est celui qui va aider des familles à se créer ; ce qu’il fait est bien un don, une grâce. Face aux interrogations des enfants qui, à l’école, se retrouvent parfois stigmatisés – surtout quand on y célèbre la Fête des pères, alors que 25 % des familles en France sont monoparentales –, elle y répond en substance par le fameux proverbe africain «il faut un village pour élever un enfant». Car en 2024 plus que jamais, les familles ne se résument pas à la norme nucléaire, héritage dépassé de Napoléon, et à la bilatéralité parentale – l’omniprésent schéma culturel «un enfant, c’est un papa et une maman», qui engendre tant de stigmatisations pour ceux qui y dérogent. Une famille, écrit-elle, cela peut être tant de choses : deux papas, deux mamans, une maman seule, et parfois, un papa seul. Et elle ne se résume pas au noyau parent-enfant, mais au cercle plus étendu, par exemple les grands-parents, les parrains et marraines, qu’ils soient issus du cercle familial ou amical.
Plus qu’un album, c’est donc un manifeste sociologique, mais abordable pour les enfants. C’est d’autant plus précieux qu’en littérature jeunesse, le paysage est encore clairsemé sur ces sujets. Très peu d’ouvrages abordent en effet ce genre de thématiques, mais pour être juste, il convient de les citer : Pourquoi je n’ai pas de papa, d’Alice de Page ; le très beau Autant de familles que d’étoiles dans le ciel, d’Emilie Chazerand et Clémence Sauvage (La ville brûle, 2024) ; Ma maman est bizarre, de Camille Victorine et Anna Wanda Gogusey, chez le même éditeur, 2020 ; et Avec toi, de Pauline Delabroy-Allard et Hifumiyo, (Thierry Magnier Jeunesse, 2019), bouleversant récit sur le quotidien d’une mère et de sa fille. Nouveau venu dans ce paysage en plein essor, donc : la Fête des gens qu’on aime, autre nom pour désigner la Fête des pères, ou celle des mères, plus inclusif et plus juste, aussi ; avec le trait rond de l’illustratrice japonaise Saeko Matsushita pour enrober le texte de douceur.