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Mercredi pages jeunes

«La Fin de Velvet» : où m’emmènes-tu à la fin ?

Les pages jeunesdossier
Nastasia Rugani et Marc Boutavant transforment un sujet sensible en un doux conte éternel.
Image extraite de «La Fin de Velvet», de Nastasia Rugani, illustré par Marc Boutavant. (Marc Boutavant/L'école des loisirs)
publié le 4 octobre 2023 à 20h00

Velvet réveille sa petite sœur Lima en pleine nuit, «à l’heure où les monstres se réveillent». C’est curieux, pourtant Velvet était à l’hôpital la veille, Lima était allée lui rendre visite et lui avait apporté un sachet de nougats, une grenouille en papier et son chapeau rouge. Velvet ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante après des mois de maladie, et là, pleine d’énergie, elle veut absolument l’entraîner dehors. L’obscurité fait peur à la petite, mais elle suit son aînée, intriguée et confiante, rassurée d’être tout contre elle. Dehors, la nuit n’est pas plus rassurante, mais leur échappée ressemble à une aventure. Mais Lima sent qu’une sorte de créature les accompagne, «une ombre étrange semble les suivre». Il n’est pas facile de représenter la disparition d’un proche, et la Fin de Velvet choisit la voie fantastique, celle de l’apparition de la personne qui meurt en une présence fantomatique bienveillante. «Velvet ne sent pas comme d’habitude. On a remplacé son bon parfum de savon et de sucre par une étrange odeur de neige, les jours de grand froid. Bizarre, car le ciel d’août ne porte aucun flocon. Simplement les étoiles au-dessus de leurs têtes.»

On se glisse naturellement dans la peau de Lima, emmenée par cette grande sœur aimée. Dès le départ vient en tête l’idée d’une mort probable de Velvet, sans doute à l’hôpital. Mais la fugue nocturne des deux petites filles prend le chemin de la métaphore. Elles semblent parties dans la forêt, vont entrer dans un arbre-lapin. Et la créature qui fait d’abord peur à Lima n’est pas décrite, elle n’a pas la forme glaçante d’une faucheuse qui rôde, elle semble flotter, les observer et même rire en les écoutant papoter. Créature patiente et pédagogique, elle parle même.

«C’est une fin, répond Velvet.

— Une fin ? C’est quoi, ça ? s’étonne Lima.

— Quand les choses se terminent, réplique la créature. Tu dois bien connaître une ou deux fins.»

On a compris qu’on va vers la fin de Velvet. On est loin à ce moment-là d’être au terme du livre illustré par Marc Boutavant, également coauteur avec Colas Gutman de la série Chien pourri. Ses dessins acidulés et tendres montrent le tandem inséparable, deux sœurs qui se donnent la main, se prennent dans les bras, revisitent serrées l’une contre l’autre le souvenir d’un samedi de printemps à défendre leur Royaume contre un ennemi imaginaire. Là, les pages éclatent de jaune, d’une gaieté de complicité et de souvenirs partagés.

«C’est à cause de moi si tu pars ? Parce que j’ai trouvé ta cachette et que j’ai mangé tes bonbons ?»

Les questions des enfants sur la mort sont souvent liées à une réalité concrète, celle de leur quotidien. Et c’est aussi sur ce langage que joue l’autrice, renversant la culpabilité et faisant du secret et de la cachette une preuve de sororité. Au fil du cheminement, ce véritable conte, de ceux qui restent, gagne à la fois en gravité et en légèreté.

Nastasia Rugani, illustré par Marc Boutavant, La Fin de Velvet, L’Ecole des Loisirs «Mouche», 64 pp., 7,50 €. A partir de 6 ans.