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Libération
Lundi poésie

La guérilla féministe du Comando Plath

Poésiedossier
La maison d’édition bas-alpine les Prouesses publie les manifestes poétiques d’un collectif féministe péruvien radical et en colère.
(Comando Plath)
publié le 25 novembre 2024 à 15h55

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C’est un recueil comme une manif. Un recueil constitué de slogans, de boules au ventre, de trop-plein, de réponses à l’oppression, au machisme, à la violence. Un recueil comme un coup de pied bien placé.

Le Comando Plath, collectif féministe péruvien composé d’autrices et d’artistes, fait de la poésie collective et enragée à coups de manifestes. Avec la poétesse Patricia Houéfa Grange à la traduction, les Prouesses, maison d’édition féministe bas-alpine installée à Forcalquier, en ont réuni cinq. Le premier, Comment baise une poète ? qui donne son titre au livre, est composé de phrases balancées à la figure de celles qui écrivent. Par tout le monde et n’importe qui : des amis, des profs, leurs pères, des inconnus… «Tu écris comme un homme», «Tu as l’air plus idiote dans tes poèmes», «A quoi bon réfléchir autant alors que tu es si mignonne ?», «Tu es ingénieure ? Tu as une tête de secrétaire.» Leur accumulation fait bouillonner, elle libère aussi. «Ici, écrivent les autrices, nous vous renvoyons vos mots.»

Avec la publication d’une nouvelle d’anticipation d’Alexandra Kollontaï, ce petit livre inaugure la collection au graphisme léché «Au cœur», dédiée à des textes courts et «conçue comme une plongée inédite dans l’œuvre d’écrivaines, poétesses et essayistes, pour en révéler un aspect saillant, novateur et peu connu».

Comme Wittig, Solanas, Despentes avant elles, les membres du Comando Plath décident que la langue est un outil de lutte qui leur appartient aussi, et trouvent les moyens de la façonner à leur image. Ensemble, elles forment un je qu’elles décident de conjuguer au féminin. «Le Je lyrique en a eu ras le bol de lire les mêmes noms dans les encyclopédies, écrivent les autrices dans leur deuxième manifeste. Elle a décidé d’effacer des vieux dictionnaires tous les mots qui ont invisibilisé sa présence.»

Drôles, fielleux, jouissifs, les manifestes qui se suivent ici sont des réappropriations de la colère, plutôt que des tentatives de se fondre dans le décor. Tu me traites d’hystérique ? Je te réponds oui, et alors. «Le Je lyrique en a eu marre d’attendre, alors désormais elle hurle et aboie. […] Le Je lyrique crache à la gueule du Pouvoir et exige la mort du Patriarcat.» A lire pour s’imaginer que samedi, jour de la manifestation contre les violences faites aux femmes, n’est jamais passé et que l’on marche encore.

Comando Plath, Comment baise une poète ? Et autres manifestes, traduit de l’espagnol (Pérou) par Patricia Houéfa Grange, éditions les Prouesses, 35 pp. 10 €.