Parce qu’elle vivait sous le poids des souvenirs de la déportation de sa mère, Franci, juive tchécoslovaque, et de l’extermination de ses grands-parents, Helen Epstein publie en 1979 le Traumatisme générationnel. Le passé de Franci en est le substrat, non le sujet, et les deux femmes n’en parleront pas. Victime du refus d’entendre les survivants de la Shoah dans l’après-guerre, le journal de la rescapée de Theresienstadt, d’Auschwitz et de Bergen-Belsen n’a pas trouvé d’éditeur, alors que la dictature communiste contraint son autrice à recommencer, aux Etats-Unis, tout à zéro, une fois de plus.
Constat trop rapide : les frilosités éditoriales ne tenaient pas tant à la description de l’enfer nazi qu’à celle, sans tabou, de toutes les formes de résistance inventées par les déportées. L’une d’elles a consisté à refuser la réification, signe majeur de l’univers concentrationnaire. Sa force est telle qu’elle conduit la diariste à une dissociation complète de son être : elle regarde dans les camps A-4116 agir, souffrir.
Stratégie d’évitement
Si, la liberté retrouvée, le «je» renaît, tatouage, souvenirs, famille et amis exterminés, biens spoliés, cécité des épargnés construisent un enfermement psychologique. Veuve d’un mari épousé trop tôt, Franci cherche d’abord dans des relations sexuelles à se sentir à nouveau femme, sans pouvoir fonder une relation solide, empêchée par ses blessures qui la rendent étrangère au monde du présent. Elle réadapte ainsi la stratégie d’évitement d’une complète animali