Il est un Juif errant qui, depuis la fin des «cages de la mort», traverse la terre en long en large et du Nord au Sud. Il se déplace surtout dans une Europe centrale vidée des Juifs. Cet homme s’appelle Erwin, il est le narrateur et le héros de ce splendide roman d’Aharon Appelfeld (1932-2018) écrit en 1991. Erwin voyage à la recherche de «l’assassin» de ses parents. Que lui fera-t-il quand il mettra la main dessus, lui qui confie : «J’ai pour principe de ne pas battre les êtres humains» ? Peut-être ne lui fera-t-il pas grand-chose, même s’il prétend qu’il lui tirera dessus «calmement, sans me poser de question ni m’énerver». Erwin se déplace uniquement en train : «Je suis l’animal ferroviaire. Chaque fois que le gourdin s’abat sur mon dos, je grimpe dans un train et je m’enfuis.» Comment ne pas penser aux trains qui conduisaient les êtres à la mort ? N’allez pas croire cependant que la Ligne souligne les métaphores ou les allégories, car c’est le contraire.
«Une fleur muette dans un océan de détritus»
N’imaginez pas non plus que la Ligne soit un fond de tiroir laissé par l’écrivain israélien. La langue, merveilleusement traduite par Valérie Zenatti, est riche, comme toujours chez cet écrivain, de non-dits sobres et inquiétants. Les phrases flottent, elles sont douces, cotonneuses, et tout à coup les mots sont précis et ils heurtent. Une fem