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Littérature

«Là où je me terre» de Caroline Dawson : le Québec à la dure

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Le cahier Livres de Libédossier
Roman autobiographique d’une autrice transfuge de classes dont la famille dut fuir le Chili de Pinochet pour Montréal.
L'autrice Caroline Dawson. (Chloé Charbonnier/ Editions du remue-menage)
publié le 9 mai 2025 à 17h28

Elle s’appelle Caroline, et c’est déjà une source de questionnement. Caroline ? Ce ne serait pas plutôt Carolina, plus en accord avec le teint mat de l’enfant, demande le chauffeur de bus qui a oublié de s’arrêter au stop habituel. Comment expliquer que le père, professeur d’anglais au Chili et syndicaliste, devenu homme de ménage au Québec, avait choisi des noms anglo-saxons pour ses enfants par goût de sa discipline. A l’école, c’est la lunch-box préparée par la mère qui suscite des commentaires. Et pour la jeune narratrice de ce roman autobiographique, le repas de midi devient une expérience douloureuse de marginalisation. Dans la boîte en plastique dur couleur jaune canari, il y a «un sandwich au dulce de leche». Chose inconnue pour les écoliers blonds mangeurs de beurre de peanut : «– on dirait d’la marde». Même intolérance en ces années 1980 peu ouvertes à la food fusion face au pan con palta, apporté la veille, des tartines à l’avocat écrasé. Elles avaient été qualifiées de «pain au vomi». Pour Caroline, 8 ans, il ne restait plus qu’une solution. Dire qu’elle ne voulait plus de ces aliments dans sa boîte à lunch. «Por qué ?», demande la mère. «– Je n’aime plus ça», répond la petite fille, par ailleurs élève modèle. Et la romancière poursuit en guise d’auto-analyse : «Mon intégration d’enfant immigrante a passé par la honte de ce que j’étais, le rejet de ce qui me constituait et une série de petites trahisons e