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«La Place du mort», pièce maîtresse de Pascal Garnier

Mort en 2010, l’auteur de romans noirs n’avait pas son pareil pour mettre en lumière des anti-héros de la vie quotidienne. Zulma vient de republier le grinçant «la Place du mort», où un veuf enquête sur sa femme tuée en voiture au côté de son amant.
(Denis Torkhov/Getty Images)
par Christine Ferniot
publié le 5 juillet 2025 à 8h51

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Pascal Garnier aimait particulièrement regarder les couples, leurs petites déchirures et leurs grandes médiocrités. Il n’était pas du genre à décrire les héros charismatiques, préférait les banlieues tristes aux avenues rutilantes, les heures creuses dans les supermarchés, les vies ordinaires qui basculent. Mort en 2010, il a laissé de courts romans noirs pétris d’humour comme les Hauts du bas, la Théorie du panda, Comment va la douleur ou cette réédition intitulée la Place du mort où toutes ses obsessions semblent réunies. Zulma, son fidèle éditeur, a bien raison de remettre en lumière cet auteur discret, émouvant et tellement drôle.

On suit la vie morne de Fabien, marié vaguement et sans amour avec Sylvie à qui il n’a plus grand-chose à dire. Un soir, en rentrant dans la maison vide, il écoute son répondeur. Un message de la police lui apprend que sa femme vient de mourir dans un accident de la route. Elle était au côté de son amant, mort également. Merde alors… je suis veuf, je suis un autre. Comment vais-je m’habiller ? Voilà sa première réaction, peu empathique. Fabien n’est pas vraiment triste, plutôt surpris et tellement seul qu’il a besoin de s’occuper en s’intéressant à Martine, la veuve de l’amant de sa femme. On pourrait plonger dans un marivaudage du genre «l’autre m’a piqué ma femme, je vais piquer celle de l’autre», mais Pascal Garnier est trop grinçant pour ça. Le voilà s’engageant dans une enquête un peu bizarre qui lui occupe le temps et l’esprit. Fabien se rapproche de Martine mais le final n’aura rien à voir avec une aventure de Maigret.

Ce sont les minuscules inattendus de la vie que Garnier nous invite à découvrir : les anisettes au comptoir, la vieille maison qui grince, les femmes qui perdent la tête et sortent leur arme après une séance de tricot. On croise une absurdité dérisoire, un dégoût constant de la vie. L’écriture est toujours dégraissée et pourtant sensuelle, le ton ironique mais au bord de l’émotion. Car Pascal Garnier est sans illusion sur la nature humaine : des hommes trompés et des femmes trop serviables pour être honnêtes.

Pascal Garnier, la Place du mort, éditions Zulma poche, 160 pp., 9,95 €.