On reste souvent des années sans avoir envie de prendre des nouvelles de Philippe Delerm. Et puis on ne sait pas pourquoi, on ouvre la Vie en relief, et on trouve ça bien. Pas tout, certes. La petite famille nous indiffère, on n’a pas envie d’être invité dans les appartements privés. On préfère rester dans le salon, la cuisine ou le bureau, là où Delerm bricole sa poésie. Il entend les voix du passé, les morts sont présents. Il vieillit et cela donne une profondeur de champ à ses vignettes. Il dit éprouver «une forme de plénitude plutôt étonnante; car l’âge me rend par ailleurs plus fébrile, plus maladroit, plus raide, plus irritable à la moindre contrariété matérielle. Mais, et comme en regard, je sens une amplification, une mise en perspective de différentes strates de la vie, une mise en abyme». Par exemple, il associe son aversion d’autrefois pour le gymnase aux Ehpad d’aujourd’hui, où il reconnaît «cette sensation de confinement sans espoir». Il se rappelle la ferme de ses grands-parents; il évoque la maladie d’Alzheimer de son père instituteur, qui fut un bourreau de travail. Son père déguste un dessert. «Puis, à la fin de chaque cuillerée, il avait une petite stase de repos, de fatigue et d’assentiment, et enfin, à chaque fois, ces trois mots: “C’est bon.” Pas un c’est bon enjoué, mais un c’est bon concédé - il faut reconnaître que c’est bon.»
1. Qu’est-ce qu’il aime ?
Il aime Venise, il aime tomber sur des cèpes, lire chaque jour le Journal de Léautaud, évoqu