«Approchez… Messieurs, mesdames, venez voir…» L’invite est célèbre et n’a pas disparu, on peut l’entendre dans les festivals et les spectacles de rue, dans les fêtes de village devant les baraques et sur les marchés où un céleste camelot présente hyperboliquement l’éponge magique ou le tire-bouchon sans effort. C’est une survivance des plus anciennes foires de l’histoire, au temps où le petit commerce s’accompagnait de petits spectacles. Il fallait capter l’attention du chaland, le retenir par des blagues ou l’étonnement, comme le ravive la superbe scène des Enfants du Paradis de Marcel Carné, où Jean-Louis Barrault brille en mime Deburau. Historienne du théâtre, Agnès Curel retrace ici l’histoire du bonimenteur, personnage haut en couleur et fort en gueule, qui pourrait être une réalité anthropologique assez voisine du «narrateur» de Walter Benjamin : un athlète de l’oralité en plein vent.
Faire rêver
A l’époque de Gautier, Baudelaire et Banville, les spectacles de l’ancien boulevard du Temple, à Paris, aujourd’hui en partie absorbé par la place de la République, avaient comme spécialité des pantomimes et des féeries données dans des «petits théâtres». Au-devant de ces salles on élevait des tréteaux sur lesquels des personnages flamboyants nommés bonimenteurs ou paradis