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Libération
Mercredi pages jeunes

La sélection «Libé» des livres pour enfants à offrir pour les fêtes

Les pages jeunesdossier
Cette semaine, une sélection de huit albums jeunesse à déposer sous le sapin. A condition toutefois que le père Noël trouve le chemin.
«Mes saisons», de Bernadette Gervais. (Ed. Les Grandes Personnes)
publié le 20 décembre 2023 à 16h23
Ouvrir ses sens avec Mes Saisons

A la veille de l’hiver, le livre Mes saisons de Bernadette Gervais est une invitation à l’observation et à l’évasion. C’est un grand format composé d’images et de mots qui convient aux petits. Et aux grands. La couverture donne le ton : un bourgeon, un champignon, un papillon et une brindille recouverte de glace. On entre par le printemps avec une belle double page dédiée aux plantes sur le point d’éclore : perce-neige, renoncule, fougère. Certaines images sont des illustrations colorées réalisées au pochoir. Les autres sont des photographies en noir et blanc. Selon Bernadette Gervais, le noir et blanc ne distrait pas l’œil à côté des couleurs. Et il éveille le sens du toucher : pas faux lorsque l’on regarde sa fleur de pissenlit sur laquelle on voudrait souffler. Lapereau, renardeau, faon : au printemps, on observe les petits des animaux.

Plus loin, après une illustration d’hirondelle rustique et une belle photo de nuage (cumulonimbus), voici les insectes rouges : coccinelle, punaise, clairon des abeilles, clytre (ah oui les grands, on vous avait bien dit que ce livre est pour tous les âges). Enfin, voici l’été, coquelicots, papillons et chenilles, étoiles et voie lactée. Passionnée de nature depuis l’enfance (son père glissant toujours dans son sac à dos jumelles et guides nature lors de leurs nombreuses promenades), l’artiste est une grande contemplative qui essaie de partager cela dans ses livres. Elle pose : «Les pas dans la neige à la dernière page du livre, ce sont les miens et ce sont aussi ceux du lecteur. On fait cette balade ensemble et on ouvre tous nos sens.» Laure Troussière

Mes saisons de Bernadette Gervais, Les Grandes Personnes, 56 pp., 22,50 €. A partir de 3 ans.
Mais par où passe donc le père Noël, bon sang ?

S’il y a bien une question qui turlupine les enfants avant le 25 décembre (au-delà de savoir s’ils seront bien gâtés bien sûr), c’est de comprendre comment le père Noël arrive à livrer ses paquets au pied du sapin en toute discrétion. On ouvre les yeux le jour de Noël, aux aurores évidemment, on tire les parents du lit et les cadeaux sont là alors qu’on n’a rien vu, rien entendu. C’est costaud franchement. Alors il passe par où le père Noël d’abord ? Il y a évidemment la cheminée, quand il y en a une. Mais bon, encore faut-il pouvoir se faufiler dedans. Alors, c’est quoi sa technique ? La tête en avant ? Les fesses en arrière ? Il rétrécit ? Et après, il fait une lessive entre chaque livraison pour retirer toute la suie ? C’est quand même un grand mystère de le voir toujours impeccable dans son costume rouge vif et blanc immaculé. Et quand il n’y a pas de cheminée, il passe par la fente de la porte ? Par le robinet ? Il fait comment pour que les chiens ne lui aboient pas dessus quand il débarque ? Et il voit comment dans le salon alors qu’il y fait tout noir ?

Cet album répond avec fantaisie aux inlassables interrogations des enfants autour de la magie de Noël, ce qui ne manquera pas de continuer à aiguiser leur curiosité et leur sens pratique. Préparez-vous donc à d’autres questions en le refermant ! Cécile Bourgneuf

Comment le père Noël descend par la cheminée, de Mac Barnett et Jon Klassen, l’Ecole des loisirs «Pastel», 36 pp., 13,50 €. A partir de 2 ans.
Pauline en voyage, Pauline enrage

Pauline est très remontée contre son père. Dans ses rêves, elle l’imagine mort, c’est dire. Elle voulait simplement passer du temps avec lui et la voilà embarquée dans une expédition polaire de luxe avec la reine des Belges et Nathalie, l’une des amies cantatrice de son père. Qui lui est absent, comme toujours évidemment. Excédée, Pauline déverse sa colère dans son journal de bord, adressé à son richissime homme de père. Elle y raconte ses journées durant lesquelles elle tente de conjurer l’ennui, quand elle ne passe pas son temps à vomir.

L’autrice Marie Desplechin nous embarque sur ce paquebot pour une traversée captivante à travers le regard sarcastique de Pauline, qui prend vie dans les tableaux de maître dessinés par François Roca. Pauline manie à perfection l’ironie pour raconter sa cohabitation forcée avec cette Nathalie qui ronfle la nuit et roucoule le jour devant les hommes ébahis. Alors la petite fille se rapproche des membres de l’équipage, le capitaine, le jeune mousse, qui travaillent dur, dans l’ombre. A force de traîner dans tous ses recoins, ce bateau va devenir le sien et sans doute son meilleur remède contre la colère. C. B.

Pauline Voyage de Marie Desplechin et François Roca, l’Ecole des loisirs, 44 pp., 19 €. A partir de 8 ans.
Se mettre dans la peau du chat

Se prélasser, se rouler en boule, voir dans le noir… quel délice ce doit être de vivre dans la peau d’un chat. C’est ce qu’imagine une petite fille aux cheveux roses et aux grosses lunettes rondes et bleues, qui suit les pas d’un félin libre et intrépide. La voilà telle un ninja, prête à sauter sur le moindre pied qui passe par là, à se balader où bon lui semble sans avoir de compte à rendre à personne ou à déguster un bon plat de pâtes sans se sentir jugée quand elle en met partout. Enfin tout de même, en y réfléchissant bien, il y a une chose qu’elle ne pourrait jamais faire comme les chats… se laver avec sa langue ! L’autrice britannique Helen Hancocks rend dans ce joli album aux couleurs acidulées un touchant hommage à Mac, son chat gris qui dort sous la couette et râle quand son repas n’est pas servi à l’heure. C. B.

J’aimerais tellement être un chat de Helen Hancocks, Marcel et Joachim, 32 pp, 14 €. A partir de 1 an.
Princesse contre reine

Imaginez un fond de vallon, où trône une salamandre, si belle que tous les autres animaux en sont dingues. Grenouilles, oiseaux, renard, lapins et même le sanglier «d’habitude si grognon», sont tous admiratifs de sa robe jaune et noir. Mais si l’originalité et la beauté ravissent certains, ils suscitent l’envie chez d’autre. Dans son conte, Bérengère Cournut renverse les rôles : la princesse du royaume où se trouvent ce vallon et cette reine ébène et or est jalouse. Elle se rend sur place et s’adresse à l’animal installé au bord d’un bassin de pierre. Quand elle parle le texte s’écrit en capitales, comme si elle criait et dérangeait cet univers serein : «SURPASSER EN BEAUTE ET EN GRÂCE DANS LE ROYAUME DE MON PERE ? ALORS JE TE TUE !» Un sorcier a donné à la princesse la recette d’un sort pour se débarrasser de la salamandre. La cruauté est rarement récompensée.

Nous n’irons pas plus loin pour ne pas dévoiler la suite de l’histoire, drôle et piquante, qui convoque aussi des chevaliers, dont deux d’un genre un peu particulier, Saint-Cirq et Lapopie, et un bouchon de champagne qui passait par là. L’autrice en a eu l’idée lors d’une résidence dans le Lot en 2018, où tout était là : une salamandre, un vallon, un bassin… L’imagination a fait le reste, l’illustration d’Astrid Jourdain, aux tons soutenus, jaunes, rouges, verts, donne au livre un charme irrésistible. Frédérique Roussel

La Salamandre et le bouchon de champagne, une histoire piquante et féroce de Bérengère Cournut, illustrée par Astrid Jourdain, Le Tripode, 91 pp., 13€. A partir de 6 ans.
Chercher avec Zéphyr et Frisounet en vacances

Frisounet, le chien, et Zéphyr, la souris, partent en vacances, pour de folles aventures à bord d’un immense paquebot. Sous l’eau, les deux amis délivrent un bébé monstre coincé dans un filet, qui les conduit jusqu’en Ecosse, sur les rives du Loch Ness où les animaux effrayants se transforment en toboggans et bouées géantes. Juste à côté, il y a un château hanté à visiter qui va les transporter dans une forêt enchantée, laquelle les conduira dans les entrailles de la Terre jusqu’aux Enfers, en passant par le Japon ou une station de ski tenue par les yétis. Quel plaisir que de se plonger dans ce cherche-trouve pour des heures d’observation dans ces grandes doubles pages colorées et foisonnantes qui transportent le lecteur dans des mondes fantastiques peuplés de personnages légendaires. C.B.

L’Etrange Voyage de Zéphyr et Frisounet de Caroline Dall’Ava, L’Agrume, 40 pp., 18€. A partir de 4 ans.
L’ours qui n’hibernait pas

C’est un livre sans texte. Le seul personnage est l’ours·e Ö, qui se prononce à la suédoise ou à l’allemande «euhhh», et qui a décidé de ne pas hiberner cet hiver. On voit la belle silhouette ronde de l’animal évoluer dans un paysage d’hiver et de froid. Il secoue un arbre pour faire tomber la neige, se pose des branches sur la tête pour imiter le cerf ou pour simplement changer d’identité, se contemple à la surface d’un lac gelé, patine sur la glace mais celle-ci se fend.

Car le propos de l’illustrateur espagnol Raúl Nieto Guridi est aussi de montrer les effets du réchauffement climatique sur la nature et ses habitants, et l’incursion de la pollution humaine. Tout est délicatement dessiné en noir et blanc, le relief montagneux, la neige et le souffle à peine suggérés, la couleur vient du sac en plastique jaune, que Ö va mettre dans une poubelle avant de disparaître dans les profondeurs d’une forêt. Un album magnifique, qui réussit à insuffler une liberté sans paroles et à faire réfléchir aux atteintes humaines. F. Rl

Ö de Raúl Nieto Guridi, CotCotCot éditions, 40 pp., 15,50 €. A partir de 3 ans.
Un étonnant self made book

Mais oui, un livre peut tout à fait écrire un livre. La preuve, ce livre a été écrit par lui-même. Et ce livre-là, qui tutoie son lecteur, propose de vivre une expérience unique, exceptionnelle même, celle de nous retenir dans un ouvrage que personne ne voudrait lire. Comment réussit-il ce coup de maître ? Avec un récit des plus farfelus entrecoupé de digressions illustrées tout aussi décalées aux faux airs des Miscellanées de Monsieur Schott.

Citons pêle-mêle ces méthodes imparables (pas évidentes à réaliser, il faut le souligner) pour gagner quelques centimètres, ce tuto pour apprendre à bien traiter un livre (la morale de l’histoire se trouve finalement ici), ou encore ces trois dessins illustrant les stéréotypes incarnés par les personnages des contes. Le beau prince dit : «Moi je suis quelqu’un de bien», la méchante sorcière ajoute : «Moi, pas tant que ça». Et le faire-valoir comique du récit qui lance : «J’ai pété.» Un bon condensé d’humour britannique bien barré. C.B.

Le livre que personne ne voulait lire de Richard Ayoade et Tor Freeman, traduit par Anne-Sylvie Homassel, Hélium, 128 pp., 15,80 €. A partir de 12 ans.