Menu
Libération
Roman

«La Sentence» de Louise Erdrich, Amérique fantôme

Article réservé aux abonnés
La narratrice de «la Sentence» œuvre dans une librairie autochtone hantée, après avoir été impliquée par le passé dans un abracadabrant vol de cadavre.
Louise Erdrich devant sa librairie, Birchbark Books, à Minneapolis, en mai 2016. (Jenn Ackerman/NYT-REDUX-REA)
publié le 4 novembre 2023 à 17h12

La librairie figure en bonne place dans certains romans. Concentré d’histoires et de personnages, de magie contenue dans d’innombrables pages, espace confiné et mythifié, extase et danger des mots, elle a aussi les faveurs du fantastique. La Sentence se situe dans cette veine, Louise Erdrich y a vu le lieu idéal à hanter. Le décor, l’autrice de Celui qui veille le maîtrise : elle possède elle-même une petite librairie à Minneapolis. On trouve à Birchbark Books un beau rayon de littérature amérindienne et une inclination pour les titres qui portent sur le réchauffement climatique. Le modèle d’établissement de son dernier roman est un copier-coller «avec le charme romantique de ces petits lieux condamnés par un capitalisme débridé». Elle s’est également incluse dedans, sous la couverture évidente de la Louise propriétaire et écrivaine qui se retrouve coupée de sa tournée par l’implacable couvercle du Covid. Mais on ne la voit que de loin, flotter à distance de l’histoire. Sa narratrice se nomme Tookie, une indienne costaude et nature, qui aime lire et se précipiter sur le premier client qui passe la porte (bleue pour repousser les mauvais esprits) et le conseiller avidement. Une femme lui dit : «J’ai mis des années, mais j’ai tout lu Proust. Je cherche quelque chose de compliqué. Moi : vous avez lu les Russes ? La femme