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Libération
Editorial

La survie des librairies est liée à une idée folle devenue loi : le prix unique du livre

La loi Lang, qui fixe le prix unique du livre, a 40 ans. Un anniversaire qui a une saveur particulière après une année où les librairies ont été reconnues comme des commerces essentiels.
L'Humeur Vagabonde dans le XVIIIe arrondissement de Paris (Boby/Libération)
publié le 23 avril 2021 à 22h37

On les disait moribondes, prêtes à succomber aux grandes surfaces, au livre électronique, au confinement, à l’air du temps. On les disait «commerces non-essentiels». On disait n’importe quoi. La fête de la librairie indépendante aura donc cette année une saveur particulière : l’activité est en pleine expansion, reconnue comme essentielle à la vie. Pour la presse internationale, le libraire est le métier qui représente le mieux, avec son confrère le caviste, l’exception française. La survie des librairies en France est principalement liée à une idée, une idée folle devenue loi, et adoptée depuis dans bien d’autres pays européens : le prix unique du livre. On continue de l’appeler par le nom de son précurseur, «loi Lang», et avec raison. C’est probablement la dernière idée originale que la gauche française a donné au monde, et on peine aujourd’hui à comprendre la virulence avec laquelle elle fut accueillie en 1981, les contre-attaques manichéennes de la Fnac, des grandes surfaces Leclerc et consorts. Les Français ne sont pas de grands lecteurs, mais ils adorent leurs librairies. C’est cette évidence qui a fait survivre le prix unique malgré des changements de pouvoir, un virage effréné du socialisme au libéralisme économique et la montée en puissance d’Amazon et autres géants de la vente en ligne. La baisse du taux de TVA et une surveillance particulièrement attentive des marges de bénéfice auront été essentielles dans le dispositif, empêchant ainsi la flambée inflationniste des prix que la presse économique prédisait à coups de grands titres mortifères. Il reste encore dans la chaîne du livre bien des choses à améliorer : la concurrence de vendeurs peu scrupuleux de livres faussement appelés «de seconde main» pour contourner la loi, le sort des auteurs, toujours non réglé deux ans après le rapport Racine, et bien d’autres encore. Mais ce week-end, on pourra les oublier pour savourer cette avancée culturelle et sociale : joyeuse fête, donc, à nos lecteurs et lectrices libraires, et à tous les amateurs de livres !