Il est 5 heures du matin en Ardèche. Comme à son habitude, l’infirmier s’arrache à la tiédeur de son lit. Sur le pas de sa porte, il profite d’un instant suspendu entre «les émanations de la nuit» et «la musique puissante et familière» de la rivière en contrebas. Le jour ne s’est pas encore levé. Sans un mot il s’engouffre dans sa vieille Mercedes et s’assoit à côté de son copilote : un casque de pompier. Un album de Bob Marley se lance, et la tournée peut commencer.
L’image est belle et minimaliste, une voiture qui serpente au milieu de la campagne enneigée du plateau des Gras en plein hiver. Dans l’autoradio les premières notes d’Exodus résonnent comme un présage. Dehors, le silence. Libraire pendant plus de quinze ans, le narrateur a choisi de troquer livres et étagères bondées contre un sac d’infirmier sapeur-pompier, des brassards à tension et autres instruments médicaux. Comme l’auteur, qui n’a pas renoncé à la littérature pour autant et signe avec la Tournée son premier roman. Animée d’un lyrisme discret, cette fiction autobiographique souligne un thème peu abordé en littérature : les campagnes délaissées et la souffrance des personnes âgées qui y résident.
Une «petite femme tenace» nonagénaire
De village en village, l’infirmier arpente un espace austère à l’authenticité préservée, qui a gardé quelque chose «des fleuves initiatiques des anciens mondes». Vraiment ? Aujourd’hui, on appelle plus trivialement ces endroits des déserts médicaux. Le lecteur suit au plus près le q