«Je les ai observés longuement, et sous toutes les coutures. Leur corps, leurs paroles, leurs gestes. En pleine lumière et dans l’obscurité totale. Sur des écrans, à travers des vitres, à la surface des miroirs. Tout ce que je pouvais voir, entendre, sentir.» La Version fait penser à un traité d’anthropologie ou aux récits de voyages du XVIIIe siècle. Dans un lieu inconnu, la narratrice dit avoir passé «longtemps» à regarder une mystérieuse communauté et tente de nous la décrire. Dès les premières pages, cette recension procure un sentiment d’étrangeté. Certes c’est un peuple inconnu, dans un endroit indéterminé, mais elle donne peu d’autres éléments concrets permettant de se raccrocher. Il n’y a pas de saisons, il pleut à intervalles réguliers et les températures oscillent entre 28 et 32 degrés.
Un des premiers rites qu’elle relate est, que de l’aube au crépuscule, un individu en suit un autre «dans le but de recueillir chacun de ses mouvements». On songe aux coutumes d’une tribu oubliée, ou encore à de la science-fiction, qui imagine souvent des mondes habités par des humains ou pas, aux comportements et aux organisations différents du nôtre. Mais dans ce dernier cas, le contrat avec le lecteur est tacite : j’ai créé un univers loin du vôtre, voici quelles sont ses fondations. Le passeport suppose un décryptage clair, pour permettre de s’engager dans l’intrigue. Le premier roman de Debora Levyh, architecte par ailleurs, n’est pas cela. Sa narratr