Cette fois Jean-Paul Kauffmann revient à lui, vient à lui. Fini un certain exotisme géographique ou historique, les grandes distances qui l’éloignaient de l’enfermement de trois ans de captivité pendant la guerre au Liban qu’il couvrait comme journaliste dans les années 1980. Il s’agit ici de son enfance, parce qu’y rêver toutes les nuits a permis au prisonnier du Hezbollah, jamais sûr de ne pas être exécuté le jour, de survivre.
Les parents tenaient une des deux boulangeries de Corps-Nuds, un village de Haute-Bretagne au nom aussi bizarre que le clocher à bulbe de son église. Le petit Jean-Paul met lui-même la main à la pâte avec les tournées de livraison qui sont autant d’explorations de la campagne. La France sort de la guerre, est biberonnée au plan Marshall. Elle s’apprête à révolutionner son agriculture et du même coup à défigurer ses paysages : la course à la mécanisation et aux rendements a rendu nécessaire le remembrement. L’agro-industrie n’est pas loin et, avec elle, la pollution des sols, de l’eau, de l’air.
Pour l’instant le quotidien n’a pas changé. Conformité et répétition semblent un idéal. Mais des événements terribles, démesurés, peuvent bouleverser la routine et