En mars 1966, une vingtaine d’années seulement après la fin de la guerre, les Parisiens voient sur les murs une publicité qui fait scandale parce qu’elle montre une croix gammée. Cela ne se fait plus d’en afficher dans l’espace public. Ce n’est que le début d’une série de surprises. L’hebdomadaire de Pierre Lazareff, le Nouveau Candide, annonce, d’une façon choquante, élaborée dans un but commercial, la sortie d’un livre. Sur la couverture, il est écrit en lettres majuscules : «LES JUIFS : CE QU’ON N’A JAMAIS OSÉ DIRE.» Un homme, 28 ans seulement, Jean-François Steiner, publiait un «roman documentaire» intitulé Treblinka. Il y racontait l’insurrection des Juifs à Treblinka le 2 août 1943. A cette manifestation d’héroïsme, fidèle au prix qu’accorde à la vie et à la survie le judaïsme selon Jean-François Steiner, a répondu, toujours selon lui, une «passivité-complicité» juive face au projet exterminateur, manifeste dans le ghetto de Varsovie.
Le livre, un succès en France et à l’étranger, fut à l’origine d’une des premières controverses liées à la Shoah après celle déclenchée par le Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart, prix Goncourt en 1959. Treblinka eut des conséquences profondes. Il fut un tournant : il modifia l’analyse de la criminalité nazie, inaugura la distinction entre camps d’extermination et camps de