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Jeudi polar

«L’Agent», entre tueur à gages et mobil-home à Vierzon

Avec ce nouveau roman, mettant en scène deux personnages que rien ne prédestinait à se rencontrer, Pascale Dietrich continue à nous régaler de ses comédies noires.
Pour échapper à la vengeance d’un caïd, l'«agent» dont il est question dans le livre est obligé de chercher une planque au milieu de nulle part. (Marco Maccarini/Getty Images)
publié le 3 octobre 2024 à 7h29

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Vous aimez les polars mettant en scène des psychopathes, tueurs en série névrosés, et autres pervers sadiques qui se plaisent à enfermer leurs jeunes victimes terrorisées dans les caves d’immeubles en ruines ? Vous appréciez les romans qui débutent avec des scènes de corps suppliciés, mutilés, enchaînés à des croix ou dévorés par les bêtes sauvages ? Vous vous intéressez à la psychologie des enquêteurs, policiers mal dans leur peau, dépressifs et misanthropes, divorcés ou alcooliques ? Vous appréciez enfin ces ambiances plombées : forêts de sapins noirs, landes brumeuses, hôtels et bunkers abandonnées ou villes nocturnes où se croisent sous des néons blafards drogués, marginaux et prostituées ? Bref, vous aimez les romans bien gores ? Eh bien passez votre chemin. L’Agent, dernier polar de Pascale Dietrich, autrice au style décapant et à l’humour corrosif n’est pas pour vous !

L’amour du travail bien fait

Dans ce petit roman, le héros Anthony Barreau est un très respectable «agent». Pas un agent de stars ni de mannequins, mais de tueurs à gages «de qualité», sobres, ponctuels et professionnels, ayant l’amour du travail bien fait, pour qui il négocie contrats et salaires moyennant un très honnête 10 %. Une situation qui lui permet de vivre heureux et paisible, avec ses deux chiens, dans le cossu XVIe arrondissement, «un quartier chic, gage de tranquillité et de sécurité ; les rares contrôles policiers étaient toujours courtois et il ne risquait pas de croiser ses tueurs dans la queue de la boulangerie. […] D’une façon générale, il trouvait les riches admirables : ils n’ont pas besoin d’armes pour tenir à distance les indésirables et défendent leur entre-soi avec tact et diplomatie. L’année passée par exemple, le projet de construction d’un immeuble de logements sociaux avait suscité une telle levée de boucliers que constructeurs et élus avaient fait marche arrière. Tout ça sans un seul coup de feu, pas même une phalange sectionnée !»

Las ! Quand un contrat a priori sans histoire (tuer un secrétaire d’Etat dans un restaurant, une formalité) tourne au fiasco, tout le petit monde d’Anthony s’écroule. Pour échapper à la vengeance d’un caïd et de ses mercenaires biélorusses, le voilà obligé de chercher une planque au milieu de nulle part.

Au même moment, Thérèse pimpante septuagénaire gérante d’une agence matrimoniale au bord de la faillite qui vient de faire un AVC (et perd sérieusement la mémoire) refuse de se retrouver en Ehpad. Pour échapper à sa famille, la voilà obligée de chercher une planque au milieu de nulle part.

Barbecue et minigolf

Au milieu de nulle part… A l’issue d’une suite de péripéties rocambolesques, ce sera un mobil-home à Vierzon, au Camping de l’étang. Ni wifi, ni 4G, buvette ouverte durant toute la période estivale. Pour les courses, le centre-ville à dix minutes ou une grande surface à trois kilomètres. Barbecue et minigolf à disposition. On est loin d’Auteuil et Passy. Mais, après tout, comme le note avec philosophie Anthony, «un séjour à Vierzon en compagnie d’une vieille bique qu’on prendrait pour sa grand-mère était probablement la meilleure couverture imaginable pour tromper la vigilance de Titov et de ses tueurs-uber».

Evidemment, rien ne se passera comme prévu, et l’on peut faire confiance à Pascale Dietrich et à son imagination loufoque pour dynamiter son intrigue (et quelques personnages) dans un grand éclat de rire et d’hémoglobine. Foncez, allez voir Vierzon.

L’Agent, de Pascale Dietrich, édition Liana Levi, 190 pp., 18 euros.