Il faut attendre la fin du livre de Xavier Person, l’Alligator albinos, et une visite à «la Planète des crocodiles» à Civaux, près de Poitiers (Vienne) pour comprendre le titre. «D’assez petite taille, l’alligator blanc flotte sans bouger dans l’eau translucide au bord d’un bassin. Comme une force invisible le tiendrait plaqué là, en suspens. Un panneau l’explique, sa couleur anormale lui vient d’une mutation génétique.» Il est aveugle. «Il ne peut pas vivre dans la nature.»
On pense un instant que l’auteur, tout à son éco-anxiété, pose cette existence improbable, voire artificielle, comme allégorie du désastre qui guette la planète. Mais c’est une erreur. Personne n’a manipulé l’ADN de l’alligator. Nul glyphosate ne l’a dépigmenté. Ce qui retient Person est ailleurs : «Est-il animal, minéral ou végétal, organique ou inorganique, tout cela, rien de cela ?» Un sentiment d’étrangeté le gagne, et nous avec, qui entrevoyons à présent des vieillards sur leurs lits blancs. Il est allé voir son père dans le service de gériatrie où il a été hospitalisé, par un de ces épisodes de canicule qui scandent le livre et le hantent. «Que dire à mon père ?»
Soupe à la tomate sur les Tournesols de Van Gogh
L’Alligator albinos progresse par associations d’idées le plus souvent souterraines, par fulgurances – le tex