En 1976, chez les Montoneros, le mouvement d’extrême gauche péroniste, Silvia Labayru était une militante de 19 ans dont le surnom était Mora, la Mûre ou la Maure. Maure, elle ne l’était pas : fille d’un général, c’était une belle blonde dont le charme rendait fous pas mal de garçons. Mariée depuis peu, elle était enceinte. Son mari d’alors, également Montonero, se souvient : à l’époque, il était comme beaucoup «un putain de puriste. Aujourd’hui, quand je croise un puriste, je fuis, parce que ce sont des gens très dangereux. Mais je croyais dans la lutte révolutionnaire. Je croyais dans la lutte armée. Je croyais même que nous pouvions l’emporter, c’est dire. Ma conviction était totale. Et je regrette beaucoup, beaucoup, de m’être engagé dans l’action violente. Mais je n’ai jamais pensé, et je ne pense toujours pas, que c’était un délire de jeunesse ou un caprice. J’ai cru que bâtir une société plus égalitaire et plus juste était possible. J’ai fait le mauvais choix. Mais je ne l’ai pas fait en idiot utile, ni en crétin, ni parce que j’étais paumé. J’y croyais.» Les Montoneros ont facilité l’installation de ce contre quoi ils luttaient : la dictature.
Neuf mois après le coup d’Etat, le 20 décembre 1976, Silvia Labayru est enlevée par les militaires sur un lieu de rendez-vous clandestin, dans une rue de Buenos Aires. «L’enlèvement n’a présenté aucune particularité : il a été pour elle, comme pour tous, sauvage. Elle avait le pistolet et la capsule de cyanure d