Voilà un curieux récit qui en contient trois, «un récit à plusieurs voix ou plusieurs récits à une seule voix, la voix qui est derrière les voix et que l’on entend seulement à travers la pluralité des voix». Un récit dont les bourgeons forment une tapisserie à première vue confuse, où l’on croit discerner une tête de mort anamorphosée – mais l’on sera détrompé.
L’Auberge du bout de la route est presque une ballade romantique en prose. Trois voyageurs s’y rassemblent dans un lieu symbolique, dépourvu de description à un détail près : un tilleul pousse au milieu de sa cour. Les gérants sont un couple d’ex-citadins fatigués mais très amoureux. Régénérés par l’hospitalité qui est désormais leur métier, ils vivent dans «un présent en extension infinie». Leurs visiteurs mystérieux sont désignés comme l’homme du Nord, l’homme de l’Ouest et «l’homme de derrière les montagnes». Conteur en chef, Emmanuel Moses lit dans les pensées et les souvenirs de ce trio qui d’abord ne communique pas, avant que chacun ne devienne, à la toute fin, un «raconteur». Avant eux, une jeune femme avait séjourné brièvement, et un homme parlant aux escargots, soudain disparu. L’aubergiste avait affiché son avis de recherche : «Certains, au village, s’étaient montrés compatissants […], d’autres ava