Chaque semaine, coup d’œil sur l’actualité poétique. Retrouvez tous les articles de ce rendez-vous ici.
Les poèmes de Laurence Ermacova sont parcourus de mots allemands, anglais et roumains sans traduction, des incrustations dans le texte français, puisqu’elle est Française, tout en résidant à Berlin et ayant séjourné en Roumanie. Il est tentant de chercher la signification des mots grâce à un traducteur numérique. Mais après une tentative catastrophique on laisse tomber. Sturzul cântător (roumain) serait un «esturgeon chantant». Alors que si on se laisse porter par le poème, il est bien clair qu’il s’agit d’un oiseau, une grive : «l’oiseau syllabe moucheté de lumière / graffe le paysage / à la plume d’encre / de son nom musicien / sturzul cântător».
On en restera donc à la compréhension partielle et on voit bien que la poésie agit même si, ou plutôt surtout quand on ne comprend pas tout. Berlin, au bord du canal où fut jetée par ses assassins Rosa Luxemburg : «Schwanenschlaf». Laurence Ermacova esquisse un poème bref, épingle un instant où la densité du monde saute à la conscience : «ce soir la nuit s’est renversée / dans le Landwehrkanal / des cygnes endormis / forment des constellations / qui flottent et se défont à la surface de l’eau / fedrigweiss / umgeklappter Sternenhals».