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Roman

«L’Autre Rive de la mer» d’Antonio Lobo Antunes, coton colon

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Le romancier revient en Angola, lors d’une insurrection en 1961 dans la colonie portugaise.
Nambuangongo, Angola. Des civils européens de retour à leur résidence après les troubles d'avril 1961. (-/AFP)
publié le 19 avril 2024 à 13h28

Comment rendre fou ou folle un·e censeur·e ? Lui confier le dossier «António Lobo Antunes, l’Autre Rive de la mer». Les mots «nègre» et «négresse» apparaissent à tous les coins de pages, quand ce n’est pas «bamboula» ou sur un autre registre «tarlouze». Et les phrases sont longues comme des chapitres, il n’y a en gros qu’une vingtaine de points dans le roman. Mais avec ses coups de volant temporels, ses incises, ses flux de pensée qui s’interrompent, se mêlent, s’encastrent, l’écriture du romancier portugais n’en reste pas moins toujours aussi torrentielle et géniale.

Dans ce nouveau roman, António Lobo Antunes, 81 ans, retourne à la guerre. Celle qui a marqué sa vie, qui occasionne peut-être encore des cauchemars au vieil homme qu’il est devenu : la guerre d’Angola. De janvier 1971 à mars 1973, l’écrivain fut enrôlé comme médecin militaire dans la colonie sous la coupe de la dictature portugaise. Cette expérience lui inspira ses premiers romans : Mémoire d’éléphant, le Cul de Judas et Connaissance de l’enfer. L’Autre Rive de la mer est donc une continuation ou plutôt un préquel, puisque le roman se base sur un fait réel datant de 1961, la révolte d’ouvriers noirs du coton dans la Baixa do Casanje, région du nord angolais. Le mouve