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Essai

«Le Capitalisme au village», la lutte qui cache la forêt

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S’appuyant sur le combat d’indigènes contre un site pétrolier érigé dans leur village de l’Amazonie péruvienne, Doris ­Buu-Sao déconstruit une vision fantasmée de l’anticapitalisme.
Manifestation d’indigènes de l’Amazonie le 26 mai 2022 à Lima, au Pérou. (Shutterstock. SIPA)
par Patrice Maniglier
publié le 7 décembre 2023 à 3h40

On rêve beaucoup, ces derniers temps, à gauche, d’une grande synthèse qui alignerait fin du mois et fin du monde, lutte des classes et luttes environnementales, mais aussi celles-ci avec les luttes antiracistes, décoloniales et féministes. En théorie, tout devrait être simple : comme l’épisode des gilets jaunes l’a montré, il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale. Mais, contrairement à ce qu’on pense, la théorie a souvent tendance à compliquer la pratique. C’est ainsi qu’une partie du monde intellectuel se déchire dans des débats enflammés sur «les pensées du vivant» ou «l’écomarxisme». Pendant ce temps, dans beaucoup d’endroits du monde, des personnes réinventent le conflit social à partir des questions environnementales.

Tortue taricaya

Le livre de Doris Buu-Sao, le Capitalisme au village. Pétrole, Etat et luttes environnementales en Amazonie, documente précisément une de ces situations. Loin des grandes discussions sur la question de savoir si le marxisme permet, ou non, en principe, de nous équiper face aux défis écologiques, elle propose une ethnographie d’une lutte sociale et environnementale de la décennie 2010, vue depuis un village de l’Amazonie péruvienne, près de la frontière équatorienne, où un site pétrolier s’est installé dans les années 70. Certes austère, ce livre, issu d’une thèse, n’e