Le Dictionnaire amoureux de la radio a pour mérite de mettre à l’honneur un média singulier qui entretient un rapport passionnel avec ses auditeurs. Si elle est là quotidiennement, on en parle pourtant rarement. Jadis, son histoire a été publiée à la Documentation française par Christian Brochand, Jean-François Remonté et Simone Depoux ont ensuite réalisé un superbe album, les Années radio (Gallimard, 1989) ; Jean-Noël Jeanneney, invité dans cet ouvrage, et Agnès Chauveau ont conçu dix ans plus tard le Dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France. Aussi cette somme qui réunit plus de cent collaboratrices et collaborateurs dont beaucoup de célébrités qui se reconnaîtront, est-elle à noter. Tous parlent de leur métier : journalistes, animateurs, ingénieurs du son, réalisateurs, sans oublier au cœur du système les standardistes auxquels s’est consacré Matthieu Belliard. Ils viennent de toutes les fréquences : Radio France, Europe 1 qui avec Louis Merlin a cassé dans les années 60 les vieilles pratiques du speaker et des émissions en boîtes, RTL avec son Vasarely et ses Grosses Têtes, et toutes les stations nées dans la suite des radios libres qui ont à nouveau dynamité l’antenne. Avec l’arrivée de la télévision, d’Internet et des technologies numériques, on a régulièrement prédit la fin de la radio, pourtant elle se porte comme un charme. Son maître mot est l’indépendance (il n’y a que Bolloré qui n’est pas au courant) et surtout une permanente inventivité.
Interview
De l’entrée «Addiction» signée par Anne Goscinny à «Zauteurs» de Philippe Caverivière, c’est cent lettres d’amour qui sont ici à lire. Même si certains ont conservé un peu l’esprit maison, tous se sont penchés sur leur attraction pour la radio. Cela commence par la voix que traite avec talent Patrick Cohen rappelant via Pythagore qu’elle a pour particularité ici d’être acousmatique (un locuteur qu’on ne voit pas). Et comme ce sont quatre générations qui sont présentes, ce dictionnaire c’est un peu «un livre, des voix» pour pasticher France Culture. Il y a les actuelles et celles qui ont fait la radio, à commencer par Julie et Maryse évoquant dans «Duo» son compagnonnage avec Coluche ; Gérard Klein dans «Connerie» évoque des années plus cool, plus libres ; Jean-Paul Rouland ouvre les arcanes des jeux de Pierre Bellemare et Ivan Levaï aux brillantes revues de presse se lance dans un éloge et un plaidoyer pour les journaux. De l’autre, il y a la FM, la DAB, Skyrock, NRJ, l’ère des DJ, la provoc, la radio déconstruite et reconstruite autour de l’héritage des Carbone 14 et Radio Nova. Une nouvelle couleur d’antenne soutenue de rires et de playlists inédites. Les anecdotes sont bien sûr au programme, mais on y apprend beaucoup de choses : des différentes manières de porter le casque audio à l’art du reportage avec ou sans téléphone, en passant par l’exercice contraint du flash d’information ou la manière dont se réalise un Multiplex…
Reste à noter que tous ont été comme choisis par la radio et que souvent leur passion a commencé dès l’enfance, à l’écoute du transistor, de l’autoradio des vacances, de l’Ipod, parfois par une émission en public où l’on entrevoit la technique dont la console a des airs de cockpit. La radio fascine toujours, elle conserve quelque chose d’inaugural, a des liens secrets avec l’anthropologie, c’est un peu le chamane de la modernité qui dit le monde, le temps qu’il fait et s’est fait l’horloge parlante et chantante de la vie de ses chers-zauditeurs.