Le visiteur, l’étranger ou celui qui se sent étranger parmi les siens : c’est la figure de prédilection du Sud-Africain Karel Schoeman (1939-2017), dans les six romans qui ont été traduits en français depuis 1992. Avec le Jardin céleste, qui date de 1979, on retrouve ce personnage austère, un peu empêché, un peu résigné. Il s’appelle Nikolaas. Il a la même nationalité que l’auteur. Le fait qu’il soit situé en Europe rend cependant ce livre, publié en 1979, différent. «Le passé est un autre pays», un pays lointain, inaccessible, est-il écrit dans l’Heure de l’ange comme dans Des voix parmi les ombres. Schoeman, historien autant que romancier, est l’explorateur d’un territoire, le veld, et de sa langue, l’afrikaans. Le passé, dans le Jardin céleste, est un bouquet d’immortelles dans la maison des autres.
Nikolaas nous est présenté en 1977, quand, de passage à Londres avant d’aller recevoir un titre de docteur honoris causa à Oxford, il rend visite à Prudence, qu’il n’a pas vue depuis quarante ans. Chacun est devenu ce qu’il était. Naguère étudiant sérieux, venu passer deux ans en Angleterre, il savait déjà qu’un poste l’attendait à l’université une fois rentré chez lui. Elle était une adolescente rebelle, la petite sœur de son condisciple à Oxford, lorsqu’il a fait sa connaissance, l’été 1937. Elle suivait l’actualité avec passion, la montée du nazisme, la chute de Bilbao. Elle rêvait d’action, d’engagement. Elle est désormais un grand nom de