Les éditions Zulma ont l’heureuse idée de commencer l’année avec un roman inédit en français de Mercè Rodoreda (1908-1983). Le Jardin sur la mer, comme la Place du diamant, son chef-d’œuvre, comme Rue des Camélias (que Zulma va republier) a été écrit dans les années 60 à Genève, où la Catalane est arrivée en 1954 avec son compagnon, l’homme de lettres Joan Prat, dont le poste à l’Unesco fournit des revenus confortables. Genève succède à Paris, où ils sont rentrés après avoir passé la guerre à Limoges puis Bordeaux.
«Je sortais d’un de ces voyages au bout de la nuit, pendant lesquels l’acte d’écrire apparaît comme une occupation épouvantablement frivole», explique-t-elle à l’écrivain Baltasar Porcel dans un entretien de 1966 cité par le traducteur Bernard Lesfargues dans sa préface à la Place du diamant (Gallimard). Elle écrit quelques contes, n’est pas en forme au début des années 50. «Je n’aurais pas pu écrire de roman, m’eût-on rouée de coups. Je pouvais coudre – j’en vivais –, faire tout le travail de la maison, n’importe quoi sauf écrire.» En Suisse, Mercè Rodoreda commence par peindre. Puis Joan Prat est amené à travailler à Vienne, où il s’installe en 1960 et où il meurt dix ans plus tard. Il faut bien s’occuper. Rodoreda décide de devenir la grande