Le texte très bref, intitulé le Jeune Homme, raconte la relation amoureuse d’Annie Ernaux avec un homme de trente ans plus jeune qu’elle. Elle en avait alors 54. Les histoires les plus courtes ne sont pas forcément les plus futiles. La phrase d’entame, très belle formule d’écrivain, donne sa raison d’être à ce qui suit : «Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues.» Cette liaison de quelques mois avec A., c’est une de ces «choses» qu’Annie Ernaux réchauffait depuis longtemps. Dans son journal, forge impressionnante de réflexions sur l’écriture, on voit bien ses ruminations sur un livre qui mijote parfois depuis vingt ans. «Le problème est toujours de trouver une forme qui permette de penser l’impensé (le mien, celui des autres)», écrit-elle dans l’Atelier noir qui vient d’être réédité. Ce jeune homme attendait quelque part, et la fin du livre montre son importance dans l’avènement de l’Evénement (2000), récit de son avortement clandestin en 1964, «qui avait eu lieu avant même qu’il soit né».
La rencontre avec A. fait songer furtivement à celle de Yann Andréa et de Marguerite Duras. Un étudiant envoie des lettres à l’écrivaine, le lien épistolaire préfigure le couple. Annie Ernaux livre d’emblée le mobile qui l’a fait mettre