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Philosophie

Le langage selon Erasme : châtié et de charretier

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Publication des «Colloques» du philosophe de Rotterdam, d’abord pensés comme un «manuel d’anglais courant» et devenus une sorte de «Humaine Comédie» où se chevauchent dialogues platoniciens et propos de bistrot.
«Le menteur et le véridique». Illustration de 1875 par Jules Chauvet pour les Colloques d'Erasme. (LA COLLECTION)
publié le 15 janvier 2025 à 16h45

Certes, il y a l’Eloge de la folie – d’où émane cette lumière trop forte qui rend aveugle à tout le reste, un peu comme pour la Divine Comédie, effaçant tout ce que Dante a écrit d’autre. Paru en 1511, l’Eloge est un immense succès littéraire, lu dans toute l’Europe, sans cesse réédité, cité, imité. La folie qui y est décrite est double et opposée : celle, radieuse, de la foi dans le Christ, la folie de la Croix, et celle, piteuse, de l’illusion, du mensonge, de l’ignorance contente d’elle-même, de l’outrecuidance, de la bêtise et de la crédulité avec lesquels les hommes jouent la «comédie de la vie» en fuyant tout ce qu’exigerait la connaissance de la vérité et des dures réalités. La première est digne d’éloge, parce qu’elle tient à l’ardeur de la foi, à la piété, la caritas : vertus chrétiennes qui sont pourtant bafouées par l’Eglise elle-même, ses hauts dignitaires et ses nonces apostoliques, ses papes, ses monseigneurs et ses curés.

L’Eloge de la folie n’est cependant pas le seul joyau serti par Erasme de Rotterdam, ni le plus populaire de ses ouvrages : si on considère la diffusion, le nombre de traductions, les rééditions ou les parutions en extraits, la palme revient plutôt à ses Colloques et aux Adages.

Une œuvre d’«ordures et excréments»

Par au moins ces trois œuvres, Erasme connaît de son vivant une grande renomm