La vie est devenue meilleure, la vie est devenue plus joyeuse : slogan qu’on entend à Moscou au moment de la Grande Terreur stalinienne, entre 1936 et 1938. Plus les gens disparaissent, plus il devient difficile d’y croire, plus on le répète, comme si le mantra pouvait vous sortir de l’enfer dans lequel le pouvoir vous a plongé. Dessous, en mode mineur, c’est la plainte du canard dans le ventre du loup : la vie aurait dû devenir meilleure, plus joyeuse. Le canard est digéré.
Le mantra revient dans le troisième roman d’Eugen Ruge, le Metropol. L’écrivain allemand, né dans un camp de l’Oural en 1954, est petit-fils de communistes. Au début des années 30, l’une de ses grands-mères, Charlotte, tombe amoureuse d’Hans Baumgarten, un grand Allemand sec, membre du Komintern (Internationale communiste). Elle quitte son mari Erwin Ruge, grand-père de l’auteur, et, les nazis ayant pris le pouvoir, tout le monde rejoint le paradis soviétique. Charlotte et Hans vont y assister à la liquidation de leurs collègues, de leurs amis, de leurs illusions, en attendant silencieusement que vienne leur tour. Ils n’attendent pas n’importe où : à l’hôtel Metropol, l’un des plus prestigieux de Moscou.
L’administration stalinienne, avec le sadisme qui la caractérise, les y installe dans un luxe relatif. Les chambres sont grandes, stylées, mais les souris courent, si bien