Au XVIIe siècle, à San Michele dans les Alpes italiennes, a lieu un meurtre. Les «sorcières» sont prises pour cible. L’Inquisition les traque et les traduit en procès, notamment Susanna. Cette jeune femme a été recueillie à sa naissance dans un monastère où elle a rencontré Daniele, lui aussi abandonné. Le roman de Luca Di Fulvio, décédé avant la parution du Paradis caché, me touche dans sa manière de mêler histoire et fiction, éthique et philosophie, amour et haine. Le tout résonne dans le présent bien que des analepses nous replongent fréquemment dans l’enfance et l’adolescence des deux protagonistes.
On découvre que Daniele est partagé depuis le début de son existence entre le soleil et l’ombre. Et Susanna évolue dans la lumière religieuse, véritable aura du monastère. Elle est belle, gentille et intelligente, on en a peur. L’éducation et la manière dont sont traitées les femmes sont un sujet qui sous-tend le roman : «Elles avaient appris à écrire ce premier mot odieux : ‘’Putain’'. Car elles s’étaient rappelées combien de fois on le leur avait dit.» Plus loin, il note : «Sur la neige […], il y avait aussi les putains, avec leurs seins nus qui ballottaient lorsqu’elles riaient.» Elles sont crasses et misères. Pourtant, fascinée par les théories de Galilée, Susanna est, en effet, bien plus éduquée que la plupart des hommes de son époque – religieux compris. Luca Di Fulvio leur donne une place au milieu de l’ignorance et des certitudes.
C’est l’histoire d’une dualité : Daniele face à Susanna, Susanna face aux hommes. La lumière contre l’obscurité. Cette dichotomie naît pourtant au sein d’une unité, celle de la religion et de l’humanité : «Et la vie nous amène, nous les hommes, à faire l’expérience de l’une comme de l’autre. Simplement parce qu’il en va ainsi.»