Vue de France, l’histoire de la Tchécoslovaquie durant les années sombres ressemble à un long tunnel qu’encadrent deux dates fatidiques : les accords de Munich conclus le 30 septembre 1938 et le «coup de Prague» perpétré en février 1948. Le passé du jeune Etat ne se résume bien évidemment pas à ces deux bornes tragiques. Pour le restaurer, un jeune historien, Paul Lenormand, propose de l’appréhender au travers de son armée, en examinant les positions d’une institution plongée dans les tourments d’une période assurément troublée.
Si la trahison de Munich puis l’invasion de la Tchécoslovaquie en mars 1939 aboutissent au renvoi de quelque 27 000 militaires, tous ne se résignent pas à déposer les armes. En effet, une partie se place au service de la Slovaquie fasciste que dirige Jozef Tiso, un engagement facilité par un commun anticommunisme et le souvenir parfois ému conservé de l’Empire austro-hongrois. D’autres optent pour l’exil et la lutte aux côtés des Alliés, un choix qui bute parfois sur l’antisémitisme du commandement et que complique l’hégémonie des officiers, surreprésentés au regard de la troupe. Des milliers d’hommes, enfin, s’enrôlent dans l’Armée rouge, qu’ils appartiennent aux minorités tchécoslovaques de l’URSS, aient franchi la frontière ou décident de rallier les forces soviétiques – soit l’impressionnant total de quelque 100 000 hommes, à com